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BOULOT, BOULOT

(Juin 2000 - numéro 22)

 
Illustration composée à partir de dessins de Raoul Dufy parus
dans Raoul Dufy, L'oeuvre en soi, ed. A. Barthélémy 1998

 

Service non compris

Presse Océan (7 avril 2000) se désole que la région Pays de la Loire soit à la 21e place (sur 22) pour les services: "la part des services n'est pas à la hauteur de son industrie."

Toujours ce goût de la presse (et, du public) pour des palmarès dont il y a tout lieu de penser qu'ils ne veulent rien dire! Et l'on est fier, ou bien vexé…

L'article est bref, mais on peut comprendre ceci: la population active est analysée en quelques grands secteurs: les deux gros morceaux sont l'industrie et les services (l'agriculture est très minoritaire; on ne dit pas si l'administration est comptée dans les services). Dans un pourcentage total nécessairement égal à 100%, si la part de l'industrie est plus forte que dans les autres régions, mécaniquement celle des services a toutes chances d'être plus faible. Pour le dire autrement, pour que ceux-ci soient "à la hauteur de l'industrie", il faudrait nécessairement que la part de celle-ci soit moindre. Que peut vouloir dire un classement des régions selon un tel pourcentage?

On pourrait imaginer (ce n'est pas ce que le journaliste suggère) qu'une économie est équilibrée lorsqu'il y a une certaine proportion entre l'industrie et les services. On ne voit pas pourquoi il devrait y avoir un rapport entre les transports, les commerces ou les restaurants, d'une part, et l'industrie, de l'autre. Pas plus qu'il ne devrait y avoir, à l'intérieur de celle-ci, un rapport fixe entre la construction métallique, le textile et l'agro-alimentaire. Il y a des régions touristiques, comme d'autres sont axées sur l'aéronautique ou le travail du bois. Et alors?

Ou bien, on dirait qu'une industrie, pour bien fonctionner a besoin d'un niveau d'environnement de services. Il s'agit alors des "services aux entreprises". De fait, le même article relève que la majeure part du "déficit" en services (55'000 emplois sur 90'000, prétendument) concerne les services aux entreprises. Et même ainsi! D'abord, certains services peuvent sans inconvénient dirimant être trouvés hors région (de même que toutes les régions sauf Paris sont déficitaires en sièges sociaux). D'autre part, lesdits services aux entreprises sont souvent l'externalisation de fonctions que d'autres entreprises assurent en interne (comptabilité, transport, entretien et maintenance, contentieux, courtage, conseil juridique ou fiscal, formation, etc.). Il suffit qu'une industrie externalise plus ou moins de ces fonctions pour faire varier la part apparente respective des services et de l'industrie. Au total, que compare-t-on? Si les pourcentages rapportés par cet article recouvrent une réalité, celle-ci est pour le moins composite et appellerait une explicitation plus fine que la brutalité d'un classement.

 

René Padieu