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OH LES BEAUX JOURS

Octobre 2002- numéro 31[Table des matières]

 

Même pour New-York, l’avion, c’est plus sûr

À la suite du 11 septembre 2001, on a rappelé ça et là que, malgré quelques crashs spectaculaires, l’avion reste le mode de transport le plus sûr, loin devant les autres, et surtout devant la voiture. Cette comparaison résulte du nombre d’accidents, de blessés et de morts par kilomètre parcouru dans chaque mode de transport. Je peux donc me dire en volant vers New-York que je risque moins que si j’y allais en bateau, … le jour où on mettra en service un Titanic II, ou que si je m’y rendais en voiture,… quand on aura construit un tunnel ou un pont routier, entre la France et les États-Unis. Ou encore que je risque plus en allant en voiture à Le Blanc(1), charmante sous préfecture de l’Indre comme chacun sait, que si j’y allais en train, … le jour où la SCNF remettra en service les lignes secondaires qu'elle a supprimées.

Mais cette mesure du risque, qui consiste à diviser les accidents par la distance, donc à neutraliser celle-ci, est-elle toujours appropriée ? Supposons que je décide de partir une semaine en vacances et que, pour ce faire, je ne veuille pas passer beaucoup plus d’une demi-journée à voyager. Étant francilien, j’ai le choix, pour la même durée de transport, entre un séjour à New York, que je joins forcément par aéroplane, et le fin fond du Larzac, que je joins forcément par la route. En choisissant le Larzac, où je me rends en voiture, je prends un risque plus grand que si je parcourais cette même distance en avion. Si je choisis New York, je prends un moyen de transport à nombre de kilomètres égal plus sûr que la voiture, mais avec une distance dix fois plus longue, ce qui augmente donc nettement le risque(2). Dans cette comparaison, je neutralise, non plus la distance mais le temps. Cela étant, l’avion sera sûrement encore gagnant, mais moins que dans la comparaison habituelle.

Pour résumer cela, on pourrait dire que la mesure du risque par kilomètre parcouru est bonne s’il y a indépendance entre la distance et le moyen de transport, ce qui est le cas si la distance est imposée ou choisie : je dois ou je veux aller à Marseille et nulle part ailleurs. Je peux prendre différents moyens de transports pour y aller. En revanche, si le choix de la destination dépend du moyen de transport, ce n’est plus la même chose. Or l’avion nous incite à, ou nous permet de parcourir des distances plus longues que la voiture, ce qui augmente le risque.

Pour sortir de ce dilemme distance/temps, ne serait-il pas plus simple de raisonner en risque par trajet - risque qui, pour l’avion, doit tenir compte du nombre de décollages et d’atterrissages, moments les plus dangereux - ? Et dire : le vol Paris - New York présente un risque de tant ; le trajet Paris - Marseille, un risque de tant en avion, de tant en train et de tant en voiture ; le parcours en voiture Paris - fin fond du Larzac, de tant ? Cela aurait de plus l’avantage d’être beaucoup plus facilement compréhensible.

 

Alfred Dittgen, démographe

(1) D’après certains indigènes il faut dire et écrire ainsi et non “ au Blanc ”, comme “ au Blanc-Mesnil ”.
(2) Il ne sera cependant pas dix fois supérieur. Si le risque en avion pour la distance Paris-Larzac est de r, il ne sera pas égal à 10 * r, mais à :1- (1-r )10. C’est l’instructeur militaire qui pensait que puisqu’on avait une chance sur deux de viser la cible, il suffisait de tirer deux fois pour l’atteindre à coup sûr !