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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Décembre 2003– numéro 35[Table des matières]

 

INTEMPERIES

Qui l’eût cru !

LYonne Républicaine du 31 juillet nous apprend que “ l’Armançon [est] sous surveillance ”. Elle évoque en effet “ une crue centennale qui, comme son nom l’indique, a de fortes chances de se produire ou de se reproduire une fois par siècle. 1910 - 2003 : l’échéance approche... ”. Eh bien, non ! désolé. L’échéance n’est ni plus proche ni moins qu’elle ne l’était en 1911. En fait, il n’y a même pas lieu de parler d’échéance. Si l’événement a une chance sur cent de se produire une année, il peut survenir l’année suivante ou toute autre indépendamment du fait qu’il s’est produit l’année passée. C’est un peu comme quand on joue à pile ou face : si nous venons d’avoir face, ce qui avait une chance sur deux d’arriver, il y a encore une chance sur deux d’avoir face au coup suivant. Ou encore : si à la roulette le rouge est sorti 5 fois de suite, beaucoup de joueurs vont miser sur le noir, pensant qu’il est extrêmement improbable que le rouge sorte une sixième.

Ce raisonnement est faux : certes, il était a priori peu probable qu’il sorte six fois à la suite (1 chance sur 64), mais s’il se trouve qu’il est sorti 5 fois, il peut sortir encore une sixième fois avec une probabilité de 1⁄2 (N.B. : pour être tout à fait exact, un peu moins, car le zéro peut sortir, qui n’est ni rouge ni noir).

Si les conditions climatiques générales n’ont pas changé, la survenue d’une crue une année est pratiquement indépendante de ce qui s’est passé l’année précédente ou les précédentes années.

En toute rigueur, cette permanence n’est pas totale : il y a quelques oscillations, soit terrestres (telles que le Niño), soit dues au cycle du Soleil (N.B. : de toute façon, ces oscillations n’ont pas une périodicité de cent ans tout juste). Mais les sautes d’humeur du temps sont bien plus fortes, du moins sous nos climats de la zone tempérée.

Quant au changement climatique de longue période, il modifie lentement la probabilité d’une crue d’importance donnée, mais cela ne change rien à la quasi-indépendance des événements à une distance d’une ou quelques années. Tout ce qu’on pourrait dire alors, c’est que si la probabilité d’une crue “ centennale ” se modifie, si elle n’est plus de 1/100, l’appeler centennale n’a plus de sens !

Lorsque donc une crue exceptionnelle survient, il y a deux attitudes opposées aussi peu raisonnables. L’une est de se dire qu’on est tranquille pour un temps. L’autre est de se précipiter pour prendre immédiatement des précautions considérables qu’on n’avait pas jugé devoir prendre auparavant.

La sagesse est sans doute de prendre non pas des mesures (et l’on somme le gouvernement d’agir !) mais de prendre la mesure du risque que l’on courait déjà et que l’on court encore, ni plus ni moins, et de se demander calmement jusqu’à quel degré on l’accepte.

 

René Padieu