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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Novembre 2006– numéro 44[Table des matières]

 

CHIFFRES OLÉ OLÉ


La loi du nombre

Le rapport du Conseil d’État pour 2006, consacré à la sécurité juridique, s’empare à nouveau du thème de l’inflation normative, afin d’en dénoncer les excès et les effets pervers. On apprend, en page 239, que 10 500 lois et 120 000 décrets réglementaires sont en vigueur en France. Mais, elle enseigne également, page 273, qu’aux « 9 000 lois et 120000 décrets recensés en 2000 sont venus s’ajouter, en moyenne, 70 lois, 50 ordonnances, et 1 500 décrets par an ».

Reprenons et faisons les comptes : la référence de la page 239 est censée être actuelle, donc présentant, au moment de la rédaction du rapport annuel du Conseil d’État, le nombre de lois et de décrets en vigueur en France. En confrontant les deux références, espacées de quelques trente-quatre pages, l’on constate que si l’on calcule très simplement le nombre de textes législatifs et réglementaires, un trouble s’installe. Laissons de côté les ordonnances, dont il est dit qu’il y en aurait, « en moyenne » annuelle, 50 supplémentaires à partir de 2000 et ce, alors qu’il n’est pas indiqué combien il en était dénombré en 2000.

À ne s’attacher qu’aux lois et aux décrets, seuls éléments comparables, 70 lois par an, en moyenne, cela aboutit, fin 2005, au moment de la publication du rapport du Conseil d’État, à 350 lois de plus qu’en 2000. En ajoutant ces 350 lois aux 9 000 « recensées en 2000 », selon le Conseil, l’on obtient 9 350 et non les 10 500 de la page 239.

Quant aux décrets, à raison de 1 500 par an à partir de 2000, l’on obtient 7 500. En les additionnant aux 120 000 « recensés en 2000 », il y aurait donc eu, fin 2005, environ 127500. Or, page 239, le lecteur en est resté à 120 000, c’est-à-dire, selon la référence de la page 273, au nombre identifié en 2000...

En trente-quatre pages, 1 150 lois en moins, et 7 500 décrets de plus. La lutte contre l’inflation normative y est perdante, si l’on se livre à l’équivalence des unes et des autres ! Il ne semble même pas, en ce qui concerne du moins les décrets, que l’explication puisse résider dans le fait qu’en page 273, le Conseil d’État aurait recensé tous les décrets, ceux présentant un caractère réglementaire et les décrets constitutifs de mesures individuelles (nominations, par exemple).

Il faut s’y résoudre : pareille à la hausse des prix, l’inflation législative et réglementaire est à ce point sournoise, qu’elle poursuit son mouvement dynamique au fur et à mesure de la rédaction d’un des rapports officiels de la République les plus attendus et commentés, chaque année !... Alors, que faire de ce mécompte ? Dans l’hypothèse d’abrogations futures, la différence numérique peut avoir de l’importance. À moins que, comme Solon, les auteurs de ces normes innombrables ne choisissent l’exil pendant dix ans pour éviter d’être obligés de poursuivre leur abrogation...

Chadanou Doubsar

N.d.l.r. L’article «Voyage au centre des classes moyennes : vers le milieu de nulle part?» du numéro 43 était signé, comme celui-ci, de Chadanou Doubsar et non Doubstar, comme nous avons écrit par erreur. Nos excuses à l’auteur.