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Lettre d'information de Pénombre

association française régie par la loi du 1er juillet 1901

Avril 2007– numéro 45[Table des matières]

 

DÉLINQUANCE ET INSÉCURITÉ


Quand l'ombre est prise pour la chose

De l'interview d'un politologue, Le Point (26 octobre 2006) extrait pour en faire son titre: « Le niveau de corruption est haut mais stable ». Du texte qui suit, on comprend qu’une enquête a été faite auprès de 2 000 personnes représentatives de la population française, dont 60 % jugent les élus « plutôt corrompus ». Faudrait quand même pas confondre : que les gens croient que les élus sont corrompus est une chose ; que dans les faits ils le soient en est une autre. Dans un autre domaine, ce n’est pas forcément parce que la population a un sentiment croissant d’insécurité que l’insécurité augmente ; a fortiori, que la délinquance augmente. C’est quand même inquiétant qu’un chercheur réputé ait l’air de faire cette confusion entre fait et croyance.

Enfin ! vous avez échappé au pire : mon voisin, lui, il comprend que si 60 % des Français disent que les hommes politiques sont corrompus, c’est qu’il y a 60 % des hommes politiques qui le sont … Mais la fin de l’interview est le plus savoureux : « Un quart des citoyens sont des purs et durs qui rejettent l’idée de demander une faveur. Mais pour beaucoup, le pragmatisme et le dynamisme des élus l’emportent sur la moralité. » Autrement dit, beaucoup – peut-être pas exactement les 60 % en question – considèrent normal que les élus soient corrompus parce qu’ils brûlent d’en profiter. Somme toute, ce que l’enquête mesure, ce n’est pas la corruption des élus mais celle du corps électoral. Et vive la démocratie !

Mélanie Leclair

N.d.r.s. : Il est vrai que l'article du Point du 26 octobre 2006 attribue à la personne interviewée le propos repris dans le titre. Mais n'arrive-t-il pas que le journaliste reconstruise a posteriori des réponses à trois "questions à..." en résumant et en interprétant à sa façon des propos échangés au téléphone, sans vérifier ensuite auprès de son interlocuteur si le résultat lui convient. Dès lors, mettre en cause celui qui connaît pareille mésaventure, même de façon anonyme, est assez rude ! Il aurait suffi à Pénombre de quelques clics sur un moteur de recherche pour l'identifier et vérifier que Pierre Lascoumes et les chercheurs du CEVIPOF ne confondent pas faits et opinions dans leur enquête. Et si l'on a 6 mn 15 s libres devant soi, on peut même l'écouter sur RFI résumer lui-même ces résultats. Il nous dit que "Il y a très souvent un paradoxe dans les jugements, de sorte que la lecture des chiffres, qui peut sembler alarmiste au premier abord, doit être pondérée par une position souvent plus ambiguë des citoyens dès qu'ils sont confrontés à des situations concrètes." Car l'intérêt de l'enquête est bien de croiser la perception générale du niveau de corruption et le degré de réprobation dont elle est l'objet pour des situations précises.