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« C’est pas facile d’êtr’ de null’ part »

En février dernier, Libération racontait le deuxième recensement des personnes sans-abri vivant à Paris « Sans-abri : faute de données, les villes comptent sur leurs propres décomptes ». Le titre est intéressant parce qu’il laisse penser que les villes sont contraintes de s’emparer elles-mêmes du sujet pour recenser les sans-abri vivant dans leur territoire. Il laisse entendre, dans la suite du raisonnement, qu’il devrait y avoir une institution jacobine divine qui distribue les données, et qu’elle n’a pas grand chose à faire des SDF.

Pour l’instant, la Drees et l’Insee réalisent toutes deux des enquêtes sur le sujet. La Drees de manière annuelle, l’Insee plus irrégulièrement – la dernière date de 2012. L’une se concentre sur l’hébergement quand l’Insee se tourne vers les services apportés. L’Insee recense également les sans-abri lors de ses enquêtes HMSA (ménages en habitat mobile et sans-abri), qui mêlent sans-abri et bateliers. Mais ces enquêtes peuvent-elles être plus précises qu’un recensement local rigoureux dans chaque métropole comme il s’en est fait à Paris, Metz ou Grenoble ?

Et puis, à bien y réfléchir, n’est-ce pas normal qu’une ville se préoccupe avec ses propres moyens des personnes dormant dans ses rues ? Mimi Onuhoa, artiste new-yorkaise, a réalisé Library of missing datasets, une liste des bases de données qui n’existent pas. Dans un monde baigné de données, celles qui ne sont pas collectées deviennent symboliques du peu d’intérêt qu’on accorde à ce qu’elles décrivent. Bases de données inexistantes pour personnes ignorées… On ne peut que se réjouir que, dans quelques villes, les SDF aient basculé du côté des gens qu’on compte et qui comptent.

Alexandre Léchenet