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Courrier

À LA LECTURE DE l’article de H. Sterdyniak, « Un raisonnement bâti sur du sable » paru dans le numéro 41 à la page 13, la première question que je me suis posée est : d’où vient le chiffre de 30 000 euros annuels pour des ouvriers du textile ? À moins qu’il ne s’agisse d’un salaire brut, cotisations patronales comprises, il me paraît très surévalué. Quoi qu’il en soit, ce genre de donnée mériterait d’être explicitée.

Jacques Goujon

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Merci cher lecteur d’avoir épinglé ce chiffre chatouillant et gratouillant. Nous avons transmis votre message à Henri Sterdyniak, qui vous répond ci-dessous.

Le chiffre de 30 000 euros par an pour le coût salarial d’un ouvrier du textile provient de l’article critiqué, celui de David Spector. Il inclut, comme le précise l’auteur, le montant des cotisations employeur. Quand j’ai lu cet article, j’avais remarqué que ce chiffre était trop fort et que 22 000 euros aurait été plus réaliste. Mais je n’ai pas critiqué D.S. sur ce point pour ne pas rendre l’affaire encore plus confuse et parce que cela n’est pas essentiel.

En effet, D.S. part de l’hypothèse que les importations avec la Chine permettent de faire gagner 1,5 milliard de pouvoir d’achat aux Français. En s’appuyant sur une vague déclaration du ministre de l’Industrie de l’époque, il prétend que la perte en emplois dans le textile est de 7 000, soit 210 millions d’euros avec son hypothèse de coût salarial. Le gain net pour la France, en supposant que les travailleurs licenciés soient complètement indemnisés, est de 1,3 milliard d’euros.

Je montre dans ma note que la perte en masse salariale est en réalité de 3 milliards (en m’appuyant sur la comparaison du prix d’une chemise française et chinoise) ; soit, avec l’hypothèse de coût salarial de 30 000 euros par an, une perte de 100 000 emplois. Le coût net pour la France est donc de 1,5 milliard d’euros (ceci dans l’hypothèse où les travailleurs ne retrouvent pas d’emploi).

Si D.S. avait pris un coût salarial plus réaliste, 22 000 euros, il aurait trouvé un gain net pour la France de 1,35 milliard d’euros. J’aurais, moi, annoncé une perte en emploi de 135 000. Mais, toujours un coût net pour la France de 1,5 milliard d’euros. Ceci ne modifie guère les deux conclusions de l’article. David Spector a eu tort de s’appuyer pour un raisonnement économique sur un chiffre de 7 000 emplois perdus lancé à la légère par le ministre. L’importation de produits chinois est nocif pour la France si les travailleurs licenciés de ce fait deviennent et restent chômeurs. Elle n’est rentable que si des emplois nouveaux sont créés pour employer les travailleurs licenciés.

Henri Sterdyniak


Pénombre, Mars 2006