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De l’usage des pourcentages par cents

Un pourcentage, c’est simple : un salaire qui augmente de 1,5%, le nombre de chômeurs qui baisse de 3%, tout le monde comprend. Et pourtant des journalistes chevronnés, et les correcteurs qui les relisent, peuvent facilement s’y prendre les pieds. Deux exemples de l’année passée.

 
Quintuplés

Dans la Croix, du mardi 6 juillet 1999, Bruno Chenu, dans un article intitulé "les millions du foot" écrit : "Ce qui se passe depuis un mois dans la rubrique des transferts donne le vertige. En quatre ans en France, le montant des transactions a quadruplé : 400% d’inflation, ce n’est pas mal !"

Le vertige, et… la berlue, pour prendre plus 400%, qui est un quintuplement, pour seulement un quadruplement. En effet, plus 100% est un doublement, donc plus 200% un triplement…

De toutes les façons, ces grandeurs ont de quoi effrayer, et comme le dit l’auteur de l’article : "Comment sortir de cette spirale inflationniste qui devrait quand même finir par choquer le spectateur moyen et le supporter raisonnable ?

 
Au niveau de la vie

Plus récemment, dans Télérama du 29 décembre 1999, Gérard Chaliand, expert en géostratégie, à la suite d’une question sur les résultats des élections législatives de Russie de décembre 1999, interprète celles-ci comme "le symptôme d’une population désorientée", et ajoute : "Comment réagirions-nous si nous avions perdu entre 300 et 400% de notre niveau de vie en moins de cinq ans ?"

On sait, qu’en Russie, les températures descendent souvent en dessous de zéro, on ne savait pas qu’il pouvait en être de même du niveau de vie !

On éviterait ce genre de bourde en utilisant les pourcentages à bon escient, c’est-à-dire, quand les variations qu’ils sont censés mesurer sont faibles. Un pourcentage de 100% ou plus est difficilement compréhensible. Il vaudrait mieux parler, à partir de là, de doublement, de triplement etc. De même, quand la baisse est importante, de parler d’une division par 2, plutôt que d’une baisse de 50%, d’une division par 3, plutôt que d’une baisse de 66,6666666…%.

Vite dit, cependant, car une croissance des prix, qui s’exprime normalement en pourcentage, les prix étant supposés évoluer lentement, peut toujours devenir inflationniste, par exemple atteindre 8’000%.

Ce qui fait une multiplication par combien, cher lecteur ?

Alfred Dittgen


 
Illustration composée à partir de dessins de Raoul Dufy parus dans
Raoul Dufy, L’oeuvre en soi, ed. A. Barthélémy 1998

 

Pénombre, Juin 2000