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Dette publique (suite) : un calcul brut mais pas net

On entend souvent dire que nous laisserions une dette insupportable aux « générations futures » et, pour illustrer cette idée, une image-choc : un bébé qui naît aujourd’hui en France trouverait dans son berceau une dette de plus de 20 000 euros.

On pourrait même, si j’ose dire, en ajouter une couche si on prend en compte la dette « de Maastricht » qui s’élevait à 1 717 milliards d’euros fin 2011 (soit plus de 25 000 euros par personne) ou le « passif brut des administrations publiques » qui s’élevait fin 2010 à 2 025 milliards d’euros soit plus de 30 000 euros par personne. Source : http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1382/ip1382.pdf.

Mais il est utile de regarder aussi quelques autres chiffres du tableau qui décrit le « patrimoine des secteurs institutionnels » fin 2010. On y apprend ainsi :

- que le passif brut des administrations publiques représente moins de 10 % du passif brut total, et beaucoup moins que celui des sociétés non financières ;

- que leur patrimoine financier net (négatif, c’est-à-dire l’endettement net) n’est que de -1 137 milliards, deux fois moins que celui des sociétés non financières et presque deux fois moins que le passif brut, puisque les administrations ont notamment des actifs financiers ;

- que le patrimoine net des administrations publiques est POSITIF, à hauteur de 517 milliards, et le patrimoine national net de plus de 13 000 milliards (dont 7 000 pour les constructions et terrains).

Quelques rapides commentaires :

- dire qu’un « bébé moyen » qui naît aujourd’hui a une dette de 20 000 euros, voire de 25 ou 30 000 euros, comme le font les « dramatiseurs de la dette » c’est oublier qu’il naît surtout, si on veut vraiment faire ce genre de calculs, avec une part du patrimoine public de 517 milliards / 65 millions = 8 000 euros environ ;

- et c’est surtout oublier que ce « bébé moyen », s’il existait, naîtrait avec un patrimoine estimé à environ 13 000 milliards/ 65 millions = 200 000 euros !

- que ce calcul n’inclut pas le patrimoine inestimable de connaissances accumulé grâce à l’éducation ; ce patrimoine est générateur de valeurs ajoutées futures (pour ne s’en tenir qu’aux aspects matériels) certainement bien supérieur à ces treize mille milliards, puisque le produit intérieur net d’une seule année est aujourd’hui supérieur à 1 700 milliards d’euros...

Bref, l’endettement public est dans l’ensemble un investissement qui a été indispensable dans le passé et sera tout aussi nécessaire dans l’avenir... ce qui ne dispense pas de pourchasser les dépenses inutiles voire nuisibles, les niches fiscales inefficaces et la fraude fiscale, ni de prélever des impôts à hauteur de ce que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen appelle « les facultés » des citoyens, c’est-à-dire leur capacité contributive (= leurs revenus et... leur patrimoine) !

Pour illustrer, aussi, le caractère fallacieux de ce « bébé moyen » on pourra consulter l’Insee première sur les inégalités de patrimoine : http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1380/ip1380.pdf

 

Extrayons-en deux phrases : « les 1 % des ménages les plus riches en termes de patrimoine détiennent chacun plus de 1,9 million d’euros d’avoirs. À l’opposé, les 10 % de ménages les moins dotés détiennent chacun moins de 2 700 euros de patrimoine et collectivement moins de 0,1 % de la masse totale. »

Heureusement pour eux, ils « détiennent » aussi une part du patrimoine des administrations publiques et surtout un droit, en principe égal, d’accès aux services publics...

Alain Gély