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Les lectures de Clara Halbschatten

Ouvrages
 

- Jean-Louis Besson (dirigé par), La cité des chiffres ou l’illusion des statistiques, éd. Autrement, série Sciences en société, 261 pages, 120 F.

- Josianne Duchène, Eric Vilquin, Mathématiques pour démographes, Académia, 25/115 Grand’Rue, B-1348 Louvain-la-Neuve, 224 pages, 920 FB.
Ce premier manuel de "mathématiques pour démographes" en langue française est un outil pratique de "mise à niveau" des connaissances mathématiques de base pour les apprentis démographes. La première partie est consacrée à l’étude des fonctions numériques et au calcul différentiel. La deuxième partie concerne l’intégration des fonctions algébriques, les fonctions logarithme et exponentielle. Enfin, on trouvera dans la dernière partie quelques éléments de calcul matriciel.

- Albert Jacquard : Un monde sans prisons ?, Éditions du Seuil, 1993.
Cet opuscule, écrit par un généticien, s’applique à démontrer l’inanité de la prison dans une société moderne. La démarche de l’auteur se fonde sur l’essai d’une connaissance de l’homme, des rapports qu’il entretient avec les autres, ainsi que de synthèses épistémologiques portant sur les relations entre l’un et le multiple, les conditions permettant au pouvoir et à la société un développement harmonieux de la personne humaine. L’essai se nourrit d’incursions empruntées à l’histoire des institutions ou même à celle des sciences et des techniques.

A travers ce parcours se dessine l’objet principal : les moyens et méthodes coercitifs déployés par les sociétés afin de maintenir le lien unissant leurs membres. De là suit une description des peines, de leurs rôles et finalités, puis une réflexion sur la peine de prison entraînant l’auteur vers un aperçut des différents angles par lesquels le sujet est le plus souvent traité : institutions judiciaires, conditions pénitentiaires, travail en prison, prisons privées... Les conditions psychologiques de l’emprisonnement semblent avoir retenu toute l’attention de l’auteur, ainsi que la signification, réelle ou affichée, de la peine elle-même aux yeux de la collectivité.

On peut regretter un certain légicentrisme quand l’auteur aborde l’institution judiciaire et le rôle du droit entraînant l’abus de l’expression "non-droit" peu significative et certains raccourcis concernant les postulats de la loi naturelle. De même, reste peu approfondie la relation entre la richesse et la peine de l’amende. Cependant, par un effort réel de synthèse, ce livre répond constamment à l’articulation initiale que son auteur a d’emblée posée : le lien entre la protection de la société et la réhabilitation de la personne condamnée. Enfin, l’ouvrage n’est pas exempt de références chiffrées...
 
 

Thèses
 

- André Kuhn, Punitivité, politique criminelle et surpeuplement carcéral, ou comment réduire la population carcérale, Editions Paul Haupt, Falkenplatz 14, CH-300l Berne, 199 pages, 48 FS.
Après avoir étudié l’évolution de la "punitivité objective" (sévérité des peines infligées par les juges) et de la "punitivité subjective" (attitudes des gens vis à vis des sanctions pénales) en Suisse et dans les Etats voisins, A. Kuhn tente de déterminer comment il serait possible de diminuer la population des prisons afin de résoudre le problème actuel du surpeuplement carcéral. Si les questions abordées avec un souci évident de se faire comprendre par le plus grand nombre sont étudiées dans le cadre helvétique, le lecteur français trouvera de multiples occasions d’appliquer les raisonnements et conclusions à la situation dans notre pays.

- Nicolas Bourgoin, Le suicide en prison, sous la direction d’Hervé Le Bras, Ecole des hautes études en sciences sociales, 342 pages.
Cette thèse se fonde sur une exploitation exhaustive des cas de suicide en prison de 1982 à 1991, et suit un double traitement du matériau : l’analyse des lettres qu’ont laissées un tiers des détenus suicidés pour motiver leur geste et l’analyse statistique des caractéristiques individuelles et des variables de situation des détenus, à partir des informations enregistrées par l’administration. Travail de référence dans un domaine où les approches quantitatives sont rares en France.
 
 

Article

- Patrick Simon, "Nommer pour agir", Le Monde, 28 avril 1993, p. 2.
Chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED), P. Simon s’interroge sur la pertinence de l’utilisation des catégories de français et d’étranger pour rendre compte "des phénomènes sociaux où interviennent des discriminations ethniques et raciales". L’auteur reproche aux sciences sociales d’être, en particulier, "incapable de se détacher de l’analyse institutionnelle" contredisant ainsi leur vocation traditionnelle. Pour lui l’urgence est à "la recomposition des catégories d’appréhension du corps social". Contribution percutante à un débat difficile qui intéresse bien évidemment Pénombre.
 

 
Pénombre, Septembre 1993