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Mal logés et mal chiffrés

Le logement des Français fait régulièrement la une de l’actualité. Cela donne lieu généralement à des descriptions dramatiques de la part de militants de la question ou de personnes politiques (d’opposition évidemment). J’ai même lu sous la plume d’un homme politique, article dont je n’ai malheureusement pas gardé la référence, mais je jure mes grands dieux que c’est vrai, que la situation du logement était pire que dans les années cinquante. Cette personne doit être amnésique ou très jeune et sans aucune culture historique. Car ceux qui ont vécu en France dans les années cinquante savent que les logements à cette époque étaient très souvent surpeuplés, parce qu’il en manquait dramatiquement, et n’avaient généralement aucun confort. Même l’eau courante, qui nous paraît le minimum minimorum aujourd’hui, faisait très souvent défaut à la campagne, c’est-à-dire, dans une bonne partie des habitations du pays.

Aujourd’hui, il y a toujours des personnes qui ont du mal à se loger, mais, à la différence des années cinquante, l’immense majorité est bien logée. Il y a toujours des sans abris ou des gens à logement précaire, mais il n’y a plus ces grands bidonvilles comme celui de Nanterre ou d’ailleurs. Il y a toujours des jeunes, et peut-être plus qu’il y a quelques années, qui ont du mal à quitter leurs parents, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se payer un logement indépendant, mais on ne voit plus ou que très rarement de jeunes couples obligés de cohabiter avec les parents de l’un d’entre eux, situation fréquente dans les années cinquante.

Un chiffre simplement, comme disent les débatteurs politiques, ou plutôt deux. À la fin des années soixante il y avait en moyenne 3,1 personnes par logement ; à l’heure actuelle c’est 2,3, soit une baisse d’un quart, laquelle se poursuit, avec des logements dont la taille s’est mise à augmenter. On pourrait encore parler de la proportion de propriétaires qui, si elle paraît insuffisante à notre président, est considérablement plus forte que dans les années cinquante, et continue à croître malgré la forte augmentation du prix de l’immobilier de ces dernières années.

Certes cela ne change rien à la situation des plus pauvres. Mais on aimerait, quand on parle de cette question, que l’on distingue leurs conditions de logements de celle de la grande masse et aussi le court terme, qui est actuellement défavorable, au long terme, très favorable. Pour résoudre ce problème, un peu moins de sentiment et un peu plus de raison ne feraient pas de mal.

Alfred Dittgen

P.S. : Ces lignes étaient écrites quand j’ai lu dans la rubrique « Il y a 50 ans » du Monde du jeudi 4 octobre 2007 :
« 173 000 familles sont inscrites au fichier des mal logés de la Seine ; mais l’office d’HLM de la Ville de Paris n’a attribué que 1 200 logements en 1956 et l’office de la Seine 1 095. »
Soit 1,3 % de demandes satisfaites ! À l’heure actuelle à Paris il y a environ 5 000 attributions d’HLM par an pour 100 000 demandes, soit 5 % de demandes satisfaites.