--

π(Pi) , le périmètre de l’État

Cyrille van Effenterre : J’ai choisi π(Pi), parce que pendant la campagne électorale, on a beaucoup parlé du périmètre d’action de l’État. Alors, pour calculer le périmètre, la formule, c’est 2πR. C’est curieux d’ailleurs, parce qu’on n’a pas beaucoup parlé de la surface de l’État, de son volume, du poids de l’État, mais de son périmètre, comme si l’important, c’était la limite. En fait, la mesure du périmètre, elle ne se fait pas en multipliant π par le rayon de l’État, parce que le rayon de l’État n’existe pas. La mesure du périmètre se fait en mesurant le nombre de fonctionnaires. Et on n’a d’ailleurs pas tellement parlé du nombre de fonctionnaires et de leur statut, mais de la diminution du nombre et des départs en retraite. En analysant dans le détail le débat politique et sa traduction médiatique, on peut faire quatre observations.

Premièrement, on n’a pas parlé du champ de l’État et de son évolution souhaitable : décentralisation vers les collectivités, privatisation du service public, transferts vers les partenaires sociaux, mutualisation européenne. Même si au bout du compte c’est toujours le contribuable qui paye, cela aurait été intéressant de discuter l’évolution des compétences. A fortiori, rien n’a été chiffré ni par secteurs, ni par coûts.

Deuxième observation : il n’y a pas eu de débat sur les données ni surtout sur les définitions. Pourtant le problème de la Fonction publique est assez compliqué, il y a quatre fonctions publiques, il faut faire la distinction entre des agents qui sont payés par l’impôt et ceux qui sont sous statut juridique. Tout le monde constate la difficulté de définir aux marges des statuts particuliers. Et c’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas eu ce débat sur les définitions, car une des vraies questions politiques, c’est de savoir s’il faut dé-précariser les innombrables vacataires, auxiliaires, CES, emplois-jeunes, etc. ou si, au contraire, il faut assouplir les statuts pour développer la flexibilité de la fonction publique. Et ça, on en n’a pas tellement parlé.

Troisième observation : les discussions se sont focalisées sur les départs en retraite et leurs remplacements partiels. Alors les chiffres qui ont circulé, 800 000 fonctionnaires au départ dans les dix ans, sont issus d’une étude très sérieuse de l’INSEE et de la Fonction publique qui recommandaient néanmoins la prudence dans l’utilisation de ces chiffres, car ils indiquaient en particulier que c’était le prolongement des tendances actuelles. Or le vrai débat politique, c’était faut-il ou non rester à 37 annuités et demi ou passer à 40 comme dans le secteur privé ? Faut-il intégrer les primes ? Est-ce que c’est les dernières ou les meilleures années qui comptent ? Evidemment les choix politiques auraient changé les tendances et fait évoluer le curseur. Donc des projections un peu discutables. En plus, que ce soit 60 000 ou 80 000 fonctionnaires qui partent en retraite par an, c’est un vrai problème de recrutement, un vrai problème de formation, mais ça ne change pas mécaniquement ni le fonctionnement de l’administration, ni ses missions.

Alors justement, quatrième observation, parler de réduction d’effectifs, c’est soit parler de diminution de l’activité de l’État, soit d’augmentation de la productivité. Alors dans certains services, on sait qu’on peut avoir des gains de productivité de quelques pour cents avec un gros effort d’organisation et des nouvelles technologies – on parlait de modernisation à un moment -, mais dans certaines actions publiques quid de la productivité alors que l’on mesure l’efficacité justement par le nombre de fonctionnaires ? Exemple x infirmières par étage, y policiers par habitants, z élèves par classes et là comment mesurer l’évolution de la productivité : moins il y a de fonctionnaires, plus il y a de productivité !

Conclusion : on n’a pas eu le débat politique qui aurait pu être intéressant et on a eu un faux débat sur des chiffres incontestés mais pas tellement éclairants. Ce faux débat sur le périmètre a été conclu par le Président de la République dans son allocation du 14 juillet...

J.-R. B. : ... Allocution !...

C. V. E. : ... Allocution... (rires) « La réforme de l’État, a-t-il dit, conduira-t-elle à augmenter ou diminuer le nombre de fonctionnaires ? Cela n’est pas un objectif, c’est une conséquence. » Et il a ajouté : « en général, quand on fait de bonnes réformes, on fait des économies. » On attend donc de voir. Cela n’empêche malgré cette conclusion qu’il y a eu un florilège de perles sur le sujet au cours de la campagne. La meilleure est peut-être celle d’Alain Madelin, qui ressemble un peu à la solution finale, il a dit : « il faut supprimer 200 000 fonctionnaires. » (rires)

J’espère qu’il parlait des postes et pas des agents.

J.-R. B. : Merci, je l’espère aussi. Alors nous reprenons. Nous en étions à π ! π +E… alors 4,5, 6,7, alors, qui dit quelque chose ? Qui enchérit ? Il n’y a pas d’enchères ? Vous pouvez tous participer, je rappelle... Combien ?

 Quinze !

J.-R. B. : Combien ? Quinze ? Pas mieux que quinze ? Alors on saute à quinze. C’est vrai qu’il faut qu’on aille jusqu’à l’infini, alors, on n’est pas rendu... Quinze, adjugé ! (coup de marteau)

 
 
Pénombre, spécial 10ans, Mars 2003