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Quand l’Evénement du Jeudi fait son cinéma

En couverture de l’Evénement (15-21 août 1996), on nous annonce un « dictionnaire des idées fausses » suivi du « lexique de l’idéologiquement correct ». Instruments a priori très utiles à une époque où « l’industrie de la bêtise semble connaître une période faste ». On trouve dans ce lexique, au mot « chiffre », la chose suivante : « le mot « chiffre » vient de l’arabe « sifr » qui signifie vide. Les chiffres sont donc (sic) utilisés par tous ceux - hommes politiques, économistes, commentateurs, etc. - qui veulent éviter une pensée claire et distincte, périlleuse ; il s’agit donc pour eux de disparaître dans le vide. Le chiffre est le moyen idéal de cette opération. Il fait le vide, chasse les mots porteurs de sens. Le lecteur ou l’auditeur est aspiré par l’abîme que le chiffre ouvre. »

Autoflagellation, si l’on en croit les illustrations d’un anti-écologisme complètement primaire, fournies - involontairement ? - par le même journal dans son « dictionnaire des idées fausses » :
 

A nous la liberté (1)

La vitesse, cause des accidents [de la route], une idée fausse pour l’EDJ. Démonstration : « En 1995, les petites routes, leurs croisements inopinés et leurs défauts de signalisation ont tué 2026 personnes, les autoroutes se contentant de 293, 18,4% des accidents étant provoqués par des camions et 81,4% par des voitures. Le tout pour 51 milliards de km2 (sic) parcourus, tous trajets confondus ».
 

A bout de souffle (2)

Les fumeurs nuisent à la santé de leur entourage, une idée fausse. Démonstration de l’EDJ : « Sur 4000 substances chimiques que recèle une cigarette, on n’en retrouve qu’une cinquantaine dans l’atmosphère tabagique, et en faible quantité » (source citée : étude financée par le cigarettier Philip Morris) ».
 

Seul le vent connaît la réponse (3)

Le pot catalytique, mesure antipollution, encore une idée fausse. Démonstration : « Aucune efficacité dans la majorité des cas. Le pot doit chauffer jusqu’à 800 à 1000°C pour éliminer les substances polluantes. Or le trajet moyen est de 3 km en France ».
 

River of No Return (4)

L’eau des rivières est plus pure que celle des bords de mer, une idée bien évidemment fausse. « La mer est globalement plus propre, en France que les jolies rivières qui coulent au pied des gîtes ruraux trois épis. Les 1874 sites de baignade en mer testés par les services sanitaires cette année ont répondu, à 93,7%, aux normes de conformité, contre 80% pour les eaux de rivière. Les baignades en eaux douces sont contrôlées à travers 242 sites testés chaque année depuis 1979 : on répertorie les baignades tant en lac, étang, barrage qu’en eaux courantes ».
 

Why Worry ? (5)

Nous invitons nos lecteurs à exercer leur esprit critique en analysant chacune de ces « démonstrations ». Nous publierons leurs observations dans notre prochaine livraison accompagnées des commentaires de nos confrères de l’Evénement s’ils veulent bien se prêter à l’exercice.
 

Aurore Nördlich

 

(1) René Clair, 1931.

(2) Jean-Luc Godard, 1960.

(3) Alfred Vohrer, 1975.

(4) Otto Preminger, 1954.

(5) Sam Taylor et Fred Newmeyer, 1923.

 
Pénombre, Novembre 1996