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Quand le Parisien n’est ni convaincu, ni convaincant. Jospin-Chirac, le match

Pénombre aura l’occasion de revenir sur les élections présidentielles et sur les législatives dans sa Grande Nuit des Élections du 27 septembre. En attendant, ces quelques réflexions pour une mise en bouche.
 
 

« Sondage : Jospin, non plus, n’a pas convaincu ». Tel est l’un des titres de la une du quotidien Le Parisien, édition de Paris, daté du samedi 23 février 2002. Une chose est certaine, Le Parisien n’a pas été convaincu par le Premier ministre sortant, interviewé sur France 2, le mercredi 20 février. Mais qu’en ont pensé les Français dont on a sollicité l’opinion ? Et que peut-on penser de cette enquête, par téléphone, réalisée par l’Institut CSA et des commentaires du journal ?

En se reportant à la page 5, on apprend qu’après le premier passage du « candidat Jospin » à la télévision, 48 % des sondés par CSA, le vendredi 22 février, l’ont trouvé très convaincant ou assez convaincant et 38 % peu convaincant ou pas du tout convaincant (« échantillon national représentatif de personnes âgées de 18 ans et plus, méthode des quotas »). L’effectif n’est pas indiqué, ce qui est contraire à la loi. On notera que 14 % des sondés n’avaient pas d’opinion sur le sujet.

Si on rapporte les chiffres aux seules personnes qui se sont prononcées, c’est environ 56 % des sondés qui l’ont trouvé assez ou très convaincant. Ce chiffre fut de 51 % pour Jacques Chirac après sa prestation du 11 février sur TF1 (sondage CSA du 13 février, échantillon de 890 personnes). Match nul affirme Le Parisien. Les lecteurs apprécieront.

Au détour d’un tableau, on apprend tout de même que 47 % des sondés n’ont pas vu l’interview de Lionel Jospin (ne serait-ce qu’une seconde) et n’en ont même pas entendu parler. Ainsi, au moins 1/3 des sondés (47 % –14 % = 33 %) de l’échantillon ont une opinion sur des déclarations dont ils ne connaissent rien sauf le nom de l’auteur. Ce sont des inconditionnels de tous bords : cause toujours tu as raison (ou tort) !


L’effeuillage des marguerites

Alors que pensent ceux qui ont vu l’interview en partie ou en totalité ou qui en ont entendu parler ?

M. Jospin obtient 62 % de plutôt convaincant, contre 42 % pour M. Chirac concernant les motivations de sa candidature, 59 % contre 55 % pour son attitude lors de la cohabitation, 48 % contre 36 % sur son bilan en politique intérieure, 46 % contre 37 % sur son projet présidentiel, 37 % contre 34 % sur l’état et la situation de la France (sic), 34 % contre 20 % sur les affaires politico-financières.

Dans les chiffres donnés par le quotidien, un seul domaine indique un résultat en faveur de M. Chirac le bilan en politique étrangère 38 % contre 63 %. Ce qui évidemment n’est guère significatif puisqu’il s’agit d’un « domaine réservé » au président de la République » où l’action du Premier ministre est nécessairement limitée.

Malheureusement pour M. Jospin, il y a les retraites et la sécurité. On aimerait d’ailleurs connaître la formulation des questions dans l’un et l’autre cas, mais enfin. 20 % des sondés ont trouvé M. Jospin plutôt convaincant sur la sécurité contre 75 % plutôt pas convaincant, les chiffres étant de 28 % contre 61 % pour les retraites. Le Parisien, curieusement, ne donne pas les chiffres pour M. Chirac.

Les lecteurs ont-ils été très convaincus par l’analyse journalistique, assez convaincus, peu convaincus ou pas du tout convaincus, qu’ils aient lu Le Parisien, qu’ils en aient entendu parler, un peu beaucoup, passionnément, à la folie ou pas du tout : la politique ou l’art d’effeuiller les petites marguerites1, sans être trop regardant. 

Pierre V. Tournier, démographe

1. Ceux qui connaissent ce film de Véra Chytilova (Tchécoslovaquie, 1966) auront une pensée émue pour Marie I et Marie II, ces deux duettistes d’une autre époque.

 
 
Pénombre, Juillet 2002