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Sans l’ombre d’un doute

La langue française, pourtant habituellement si riche en adjectifs, a été récemment prise en défaut par l’actualité politico-judiciaire.

Nous venons en effet d’apprendre qu’il y aurait désormais une nouvelle peine inscrite dans le Code Pénal : la condamnation à perpétuité "réelle". Cela laisse supposer que l’autre ne l’est pas, ou ne l’est plus. Nous baptiserons donc cette dernière "perpétuité imaginaire", ce qui, convenons-en, va certainement redonner beaucoup d’espoirs aux 496 condamnés qui sont entrain de la purger dans les prisons de la métropole (données 1er juillet 1993).

La perpétuité n’étant plus ce qu’elle était, on peut être tenté de se demander pourquoi ? La réponse n’est plus cette fois dans le laxisme des juges puisque c’est le pouvoir exécutif, en l’occurrence le Garde des Sceaux, qui a les moyens de commuer une peine perpétuelle en peine "à temps" et donc de laisser entrevoir une embellie dans l’avenir de certains de ces condamnés.

Est-il réaliste en dehors de tout contexte polémiste, politique ou humaniste, d’imaginer une perpétuité réelle ? Certains que la terminologie employée ne devait pas satisfaire ont préféré parler de "prison à vie". Et l’on a pu ainsi lire que la prison à vie était une peine du substitution à la peine de mort. La bonne conscience étant sauve, la nuance n’apparaît pas flagrante : entre l’exécution capitale et la mort lente, quelle est la différence, si ce n’est que la seconde n’ose pas se nommer ?
 

Sans l’ombre d’un doute, il est plus facile d’imaginer qu’une personne ne sortira plus de prison que d’inventer des solutions pour qu’elle n’y revienne pas.

Josiane Bigot et Jean-Christophe Le Dantec

 
Pénombre, Décembre 1993