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Un verre à moitié plein d’alcool...

UNE BROCHURE à l’attention des femmes enceintes a été éditée par l’Agence nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), la DDASS et la Caisse primaire d’assurance maladie d’un département pour attirer l’attention sur les risques liés à l’usage d’alcool pendant la grossesse. Elle rappelle qu’il est préconisé, pour cette période au cours de laquelle l’alcool traverse le placenta pour atteindre le sang du fœtus, une abstinence totale. Le document, didactique, précise que, contrairement à certaines idées reçues, il n’y a pas de boisson alcoolisée plus anodine qu’une autre. Tout verre d’alcool se vaut en termes d’alcoolémie, le contenant étant en quelque sorte adapté à son contenu. Un petit schéma illustre ce dernier point : un verre de vin à 12° de 10 cl = un verre de bière à 5° de 25 cl = un verre d’apéritif à 18° de 7 cl = un verre de whisky à 40° de 6 cl. Il y a là un vrai enjeu à faire accepter l’idée que l’alcool du cidre ou du vin est le même que celui de la vodka.

Dans les enquêtes portant sur les représentations de l’alcool parmi les Français, on retrouve cette difficulté lorsqu’on interroge sur le seuil de dangerosité de l’alcool : « À partir de combien de verres est-il dangereux de boire de l’alcool ? » La réponse spontanée la plus courante est : « Ça dépend du type d’alcool ». L’enquêteur a alors pour consigne de le convaincre que non, pas tant que ça, puisque plus l’alcool est fort plus le verre classique pour le boire est petit. En fait, c’est la notion de « verre standard » qui est en jeu, et c’est là où l’exemple de la brochure pèche : en grammes d’alcool pur, certes le verre de vin présenté fait 12, le verre de bière 12,5, celui d’apéritif 12,6, ce qui se vaut, mais le verre de whisky fait 24. Ce qui explique l’écart ici est le volume : un « verre standard » de whisky ne devrait contenir que 3 cl (soit 12 g d’alcool).

Mais au delà de cet exemple qui n’illustre qu’une petite erreur, cette équivalence qui nous est bien utile dans les enquêtes est-elle si légitime ?

Dans les endroits où il est consommé comme dans l’imagerie populaire, le verre de cidre dont le titrage moyen est semblable à celui de la bière n’est-il pas plus proche en contenance du verre de vin ? On pourrait s’attarder longtemps sur cette question de contenant standard qui rend les comparaisons internationales bien difficiles. Mais ce qui est sûr, c’est que les canettes de bière forte titrant entre 8 et 12° et contenant 50 cl (soit de 40 à 60 g d’alcool) sortent nettement d’une norme dans laquelle les prémix titrant autour de 5° et contenus dans des bouteilles de 20-25 cl (soit de 10 à 12,5 g) se fondent à l’inverse parfaitement.

François Beck


Pénombre, Mars 2005