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Une démographie de gribouille

Marion Maréchal-Le Pen est l’invitée de la Matinale de France-Inter du 9 mars 2016. Pour défendre le bien-fondé du projet de retraite à 60 ans du FN, elle déclare : « C’est indispensable, car il y a une régression de la durée de vie de nos compatriotes. » Patrick Cohen, l’interviewer, aussi estomaqué que moi par cette nouvelle, lui demande d’où elle la tient. MMLP : « D’un certain nombre de médecins qui déplorent la baisse de qualité de vie. » Cette réponse me re-estomaque, car les médecins, pour la plupart très compétents pour préserver la vie des individus, ne le sont guère pour juger de l’évolution de la vie de la population dans son ensemble, puisqu’ils n’en voient que les malades. L’interview continue et un peu plus tard, le fact checking interne de la station avertit PC que l’espérance de vie a baissé l’année dernière et ce « pour la première fois ». PC ajoute : « mais c’était conjoncturel ». MMLP jubile néanmoins « Vous voyez bien ! » En fait, la baisse de 2015 ne traduit pas une tendance : elle est due principalement à la grippe particulièrement virulente cette année-là et contre laquelle le vaccin a été très peu efficace. Par ailleurs, contrairement à ce que disent la plupart des médias, ce n’était pas « la première fois ». Il y a eu également une baisse en 2003 chez les femmes, moins importante certes, du fait de la surmortalité due à la canicule. Cerise sur le gâteau dans ce bêtisier démographique : PC réplique à MMLP que l’espérance de vie mesurée en 2015 concerne les enfants nés cette année-là et donc que la baisse ne se fera sentir que chez les retraités dans soixante ans !!! Faut-il le rappeler, l’espérance de vie mesurée une année donnée est celle d’une génération qui aurait à chaque âge les risques de décès de cette année-là. Donc, sur une génération fictive. L’espérance de vie de la génération, réelle, née en 2015, on la connaîtra dans un peu plus de 100 ans, quand celle-ci aura disparu.