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LE 3ème TOUR: sexe, argent et pouvoir...

Mars 2003- numéro 32[Table des matières]

 


Sous l’effet probable des boissons absorbées pendant cet intermède, ici l’ingénieur du son introduisit un peu d’aléatoire dans l’enregistrement, dont il résulte que la rédaction a préféré s’en tenir aux textes écrits (aimablement communiqués par les auteurs) des trois exposés entendus sur les thèmes « Sexe, argent et pouvoir » successivement annoncés par le président de séance, qui de cette étape avancée de la soirée, ne garde plus qu’un souvenir ému mais flou, impropre à la retranscription….


Claudie Baudino
Le prix des femmes

Fondée sur le chiffre 2 - qui renvoie à la dualité sexuelle de l'humanité -, la loi dite sur la parité est chiffrée. En ce qui concerne les élections législatives, les dispositions qui doivent assurer l'égal accès des deux sexes à l'Assemblée sont incitatives. Elles sont venues compléter le dispositif qui encadre le financement des partis politiques.

L'enjeu financier des législatives a suscité des commentaires. Le chiffrage de la part de candidature féminine et du coût de cette loi pour les formations politiques peu ouvertes aux femmes a été débattu. Mais, au lieu de donner une idée claire de ce dispositif et de son application, les chiffres ont appuyé des idées reçues.

Ces nouvelles dispositions allaient révéler le cynisme des grandes formations - qui contraste avec la sincérité et l'authenticité des petits partis - et démontrer, une fois de plus, que la proximité avec le pouvoir corrompt...

Les femmes allaient, une fois encore, coûter cher...

Très vite, l'idée a circulé dans l'opinion que la loi se résumait à une alternative : soit opter pour l'égalité politique et présenter autant de femmes que d'hommes soit payer pour se débarrasser des femmes ! Les médias ont joué de cette alternative en mettant en cause aussi bien le cynisme des partis que le coût de ce dispositif.

Les journalistes ont d'abord commenté les chiffres des candidatures. Bien avant le jour du scrutin, un net clivage s'est dessiné : tandis que l'UMP et l'UDF s'apprêtaient à présenter moins de 20 % de femmes et le PS, initiateur de cette loi, près de 36 %, seuls les petits partis, de l'extrême droite à l'extrême gauche, flirtaient avec les 50 %.

Les commentaires sur le cynisme des grandes formations n'ont pas manqué. Les deux grands partis, l'UMP et le PS, ont été montrés du doigt. Dans le Journal du Dimanche comme dans Le Monde, ils ont été qualifiés de « mauvais élèves » de la classe politique(JDD, 26 mai 2002 : « Mission accomplie, et même au-delà, du côté des Verts et du FN », « Mauvais élèves de la classe » UMP et PS ; LM 13 juillet 2002 : « L'UMP, l'UDF et le PS mauvais élèves de la parité »). Seule la présence du FN parmi les « bons élèves » a refroidi l'enthousiasme des commentateurs.

Or, si les chiffres semblent désigner les bons et les mauvais élèves, ils sont en réalité trompeurs. Loin de permettre un classement du plus au moins paritaire - ou républicain -, ces chiffres montrent que, compte tenu de sa force politique et des règles de financement public des partis, chaque formation a adopté la stratégie qui lui a permis de maximiser sa dotation.

La dotation publique allouée aux partis politiques est composée de deux fractions : la première est proportionnelle au nombre de voix obtenues au premier tour des élections. C'est elle qui est soumise à une condition paritaire. Concrètement, chaque voix rapporte 1,55369 euro. Si l'écart entre le nombre de candidats et de candidates dépasse 2 %, cette première fraction est amputée d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart ; la seconde fraction est fonction du nombre d'élus. Chaque élu rapporte environ 45 000 euros à sa formation.

Ainsi, les petits partis, qui n'ont que très peu de chances d'avoir un ou des élus, ont tout intérêt à maximiser la première fraction de leur dotation ou, pour le dire autrement, ils ont intérêt à éviter les pénalités. À l'inverse, les grands partis, qui espèrent un grand nombre d'élus, comptent en priorité sur la seconde fraction. Ils acceptent de perdre un pourcentage non négligeable de la première fraction pour maximiser la seconde. Ils appliquent le principe selon lequel il vaut mieux, financièrement et aussi politiquement, un candidat élu qu'une candidate battue.

Le cas du FN est éclairant. Au lendemain du premier tour, le leader de ce parti s'est félicité de s'être « soumis » à la parité (Le Parisien, 10 juin 2002, Le Pen : « Mais je souligne le handicap qu'a constitué pour nous la parité à laquelle nous nous sommes soumis alors que ceux qui l'avaient instituée s'en sont exemptés. ») Tandis que son score du premier tour des présidentielles a été assimilé à la mise en danger de la République, il ne se prive pas d'interpréter le quasi-équilibre entre les candidatures masculines et les candidatures féminines comme une soumission à la discipline républicaine. Pourtant dans la même déclaration, il qualifie la loi dite sur la parité de « handicap » ; une façon de rappeler que l'accès des femmes à la sphère publique n'a jamais été un objectif pour cette formation politique, bien au contraire (cf. son programme pour les élections présidentielles qui propose des mesures destinées à inciter les mères de famille à abandonner le monde du travail). Ce cas permet de confirmer que ces chiffres ne sont pas significatifs des valeurs défendues par les formations politiques, de leur acquiescement au principe paritaire.

Il est toujours tentant de penser que la proximité avec le pouvoir corrompt et, à l'inverse, que les petits partis comme les petites gens sont les plus honnêtes... À travers leur classement à connotation scolaire, les médias ont accrédité cette idée reçue. Pourtant, si les chiffres concer-nant le sexe des candidats aux législatives sont révélateurs, ils révèlent avant tout les calculs auxquels se sont livrées les formations politiques, quelle que soit leur place sur l'échiquier politique. D'ailleurs, si les petits partis ont présenté des candidatures presque paritaires, seuls LO, la LCR et les Verts n'ont eu à subir aucune pénalité ; tandis que la pénalité du FN s'est élevée à 1,2 % de sa dotation, celle du MNR 9,8 % et celle de DL à 24,2 %. Au fond, à l'intérieur des deux groupes - petits et grands partis -, les moins pénalisés sont les partis de gauche plus favorables à la parité.

Une fois les candidatures déposées, le chiffrage du coût a pu commencer. Dès le 26 mai le JDD se livrait à une première estimation : « le non-respect de la loi pourrait coûter à la droite jusqu'à 2 millions d'euros de sanctions. »

À la veille du scrutin, Libération (8-9 juin 2002) annonçait que les grandes formations politiques avaient fait leur choix : « elles préfèrent passer à la caisse plutôt que prendre un risque électoral. (Note : les partis qui ne respectent pas la parité sont assujettis à des amendes.) » Une idée également énoncée dans Le Parisien (6 juin 2002) : «La plupart des grands partis préfèrent payer de lourdes pénalités financières plutôt que de présenter 50 % de candidates.»

Au lendemain du scrutin la première évaluation de l'application de cette loi donnait lieu dans Le Monde à un article intitulé : « la droite paiera l'addition la plus forte » (18 juin 2002).

Ces formulations sont « chocs ». Elles laissent entendre que les puissants se sont débarrassés des femmes en signant un gros chèque. Pourtant, elles ne sont pas tout à fait exactes.

Si le principe paritaire n'est pas respecté, la loi prévoit non pas une amende mais une amputation de la première fraction de l'aide publique accordée aux partis politiques. Plus précisément, un parti qui ne présente pas autant de femmes que d'hommes, voit son enveloppe amputée d'un montant égal à la moitié de l'écart constaté entre les deux sexes. Ainsi, un parti qui présente 80 % d'hommes et 20 % de femmes voit son enveloppe diminuer de 30 % (80 - 20 = 60 ; 60/2 = 30).

Dès le lendemain des élections, le montant du manque à gagner a été évalué pour les différentes formations politiques. Ainsi, pour n'avoir investi que 20 % de femmes, la formation gagnante, l'UMP, doit renoncer à 15,8 % de son enveloppe soit plus de 4 millions... sur la somme record de 25 millions. Car, si l'effet des nouvelles dispo-sitions est commenté, on oublie de critiquer un dispositif dont la logique est majoritaire, dont la logique favorise le vainqueur, les grands partis. Or, les chiffres les plus spectaculaires ne sont pas forcément liés à l'effet-parité.

L'UMP doit renoncer à 15,8 % de sa dotation. Certes. Mais, par rapport à la dotation du RPR en 1997, elle voit son enveloppe doubler : de plus de 12 millions à 25 millions. L'effet-fluctuation de l'opinion l'emporte sur l'effet-femme.

De ce point de vue, le cas de l'UDF est éclairant. Petit parti, l'UDF a été citée dans les médias car il est aussi, derrière les deux grands, le 3ème des perdants au jeu de la parité : avec 19,7 % de candidates, il perd 22 % de son financement soit 582 000 euros. La somme est conséquente.

Pourtant, si l'on compare la dotation publique allouée à l'UDF d'une élection à l'autre, force est de constater que le plus surprenant est que, dans un contexte politique favorable, l'UDF a vu son enveloppe divisée par plus de 3. Dans une assemblée de gauche, il percevait 8,5 millions par an, dans une assemblée de droite, il percevra 2,6 millions par an. Certes, sans la parité, il aurait atteint les 3 millions mais la perte aurait quand même été plus que conséquente. Pourquoi cette perte ? L'UDF est passé de 67 à 22 députés car en amont le nombre de ses candidats a chuté d'un tiers ; une centaine a rallié le camp de l'UMP.

Ainsi, paradoxalement, les élus de l'UDF ont perdu de l'argent par infidélité sans que les femmes soient en cause...

Au fond, les chiffres de la parité n'ont pas donné lieu à un véritable commentaire de l'application de la loi ou à une critique du mode de financement des partis. Par contre, ces chiffres ont appuyé des idées reçues, ils ont servi une conception peu ambitieuse et spectaculaire de l'information.


Nicolas Meunier
« One man, one vote », et one euro et quelques : l’argent des votes

Deux nombres viennent immédiatement à l’esprit pour ceux qui ont suivi les débats des élections : 1,66 et 8 500. Nous verrons qu’il est également utile de maîtriser quelques notions de géographie, et plus exactement de connaître la localisation de la ville de Metz.

L’argent des votes... Suite aux nombreuses discussions sur lesquelles il n’est pas ici le lieu de revenir, les partis politiques en France sont subventionnés par la République, directement, depuis 1988. Chaque année, le pays répartit deux « cagnottes », pour reprendre un mot connu, chacune d’un peu plus de 40 millions d’euros (soit 263 millions de francs pour ceux qui renâclent encore). La première est distribuée en proportion des votes reçus au premier tour des élections législatives. 24 millions de votants en 1997, cela donne 1,66 euro par votant, soit près de onze francs chaque année. La seconde en fonction du nombre d’élus au Parlement : 575 députés et 321 sénateurs, cela donne 896 élus, soit environ 44 700 euros (presque 294 000 francs).

Il serait facile de souligner, mesquinement, que « un élu rapporte autant que 27 000 votants ». Mais cela devrait être complété par une vraie discussion de sciences politiques. En revanche, un regard rapide sur les données est riche d’enseignements. On peut difficilement éviter de remarquer, selon des chiffres plus détaillés, que la première enveloppe a été partagée entre 44 formations politiques, dont 21 seulement ont profité de la seconde. Les dix formations les plus populaires (soit celles qui ont recueilli plus de 200 000 suffrages) ont recueilli 94 % de la première cagnotte. Mais trois parmi ces dix (la troisième, la huitième et la neuvième) n’avaient aucun représentant au Parlement, et n’ont donc pas pu avoir accès à la seconde cagnotte. Croiser ces données avec des données socio-économiques serait certainement riche d’enseignements, mais il s’agit d’un vrai travail pour lequel le COGNE n’avait pas vraiment les moyens. On aurait peut-être dû se présenter aux élections.

À ce propos, des esprits chagrins ont vu dans ce système la cause de l’inflation des candidatures. Les petites listes qui se multiplient sont-elles des « chasseurs de voix » ? L’augmentation des candidatures (on en a dénombré près de 8 500 en 2002 contre 5 254 en 1993 et 6 367 en 1997, soit 60 % de hausse en 10 ans) a également eu lieu à la présidentielle (pour laquelle ce genre de mécanisme ne peut être soupçonné puisque la République se borne à rembourser une partie des frais de campagne, quel que soit le résultat). Cela remet en cause la certitude de la causalité « argent des votes – inflation des candidatures ». Quand même, puisqu’on parle de point aberrant, il faut signaler la liste « Metz pour tous ». J’espère qu’il n’y a pas d’électeur de cette liste dans la salle, mais j’ai statistiquement peu de chances : en 1997, la liste a recueilli... 2 voix.

Pour mémoire, et pour empêcher les excès, une formation ne pourra participer au partage de la première cagnotte qu’à condition de présenter des candidats dans au moins 50 circonscriptions. Mais cette disposition ne s’applique pas aux formations présentant des candidats dans les DOM ou les TOM. L’Assemblée nationale elle-même constate ici un problème, dans un avis dont je vais vous donner le numéro, puisque nous sommes dans les nombres, le n°3 324 de la 11ème législature de la Vème république. Car la liste « Metz pour tous », et c’est là qu’il faut faire appel à vos connaissances en géographie, n’a présenté ses candidats qu’en Guadeloupe. Je cite l’avis de l’Assemblée : « bien entendu, ce parti n’a pas fait campagne, n’a même pas mis de bulletin de vote à la disposition des électeurs, mais a recueilli 2 voix et le parlementaire métropolitain fondateur et dirigeant de ce parti a ainsi pu se rattacher à cette formation pour le calcul de la deuxième fraction de l’aide publique en la faisant bénéficier de près de 300 000 francs » (précisons qu’il s’agit bien évidemment d’un sénateur).

À vous de tirer les conclusions. Sans oublier que la multiplication des candidatures ne signifie pas une augmentation de l’aide, mais un plus grand fractionnement. Une remarque en passant, afin d’éclairer certains débats politiques actuels : la tendance, pour les grandes formations, est à l’hégémonie et à la construction de « super-partis » tandis que les petites claironnent que la démocratie passe par la multiplicité.

À propos de démocratie, et pour conclure, la nouvelle méthode de financement est sans doute un progrès, puisqu’elle suppose la rupture d’un lien de type « lobby ». A-t-elle vraiment mis fin aux pratiques nauséabondes des années précédentes, ou y a-t-il eu un déplacement ? Il est certainement trop tôt pour juger. Mais, en bon esprit chagrin, j’aimerais souligner un effet pervers du nouveau système : il ne pousse pas les partis à se battre pour qu’augmente la participation aux élections. En effet, le nombre de votants n’est pas a priori connu. Sur les 40 millions d’électeurs, seulement 24 millions s’étaient déplacés en 1997 : d’où le rapport 40 / 24 qui donne 1,66. Chaque voix de 1997 a rapporté 1,66 euro au parti qui l’a reçue. Mais s’il y avait eu 50 % d’abstention, chaque voix aurait représenté 2 euros. Comme dans un jeu « cavalier seul », chaque parti a intérêt à ce que le moins de gens votent à l’exclusion de ses propres électeurs. Cela, avec le fait que les sièges à l’Assemblée sont distribués en fonction des votants, ce qui décourage le vote blanc, va certainement en contradiction avec le message ressassé depuis le « séisme » du 21 avril « allez voter ». Quel trésorier de parti se battra pour « allez voter pour qui vous voulez, mais votez ». C’est tiré par les cheveux ? Certainement. Mais voyez les choix, faits, assumés et exprimés, en matière de parité...


Françoise Dixmier
Et le pouvoir…

Je suis censée vous parler de pouvoir : après les femmes et l’argent, le pouvoir… Mais en réalité, je considère que le pouvoir, au fond, on ne parle que de ça depuis le début de la soirée, puisqu’on parle d’élections. Donc je vous en parlerai aussi, bien sûr, mais ni plus ni moins que mes amis. Si je devais essayer de faire une transition malhabile, je dirais qu’on vient de parler longuement de calculs électoraux, des calculs souvent très subtils, et dont le sens était tout à fait clair : plus d’argent. Moi, je vais continuer à vous parler de calculs, mais mes calculs seront assez différents : d’abord ils seront tout sauf subtils : de simples additions, quelques règles de trois… Et surtout, de sens, je trouve que parfois ils n’en ont guère, et que certains sont même carrément insensés. Voilà ce que j’ai glané : une soustraction, pour commencer, et une série d’additions.

ARITHMÉTIQUE DU VOTE PROTESTATAIRE

Soit prot le pourcentage de protestataires. On cherchera les solutions des équations ou inéquations suivantes :

1) prot = 40
2) 33 prot 37,5
3) prot = 30
4) prot 20

Solutions :

1) prot = 100 – partis de gouvernement (ceux qui ne votent pas pour les soit disant partis).
2) prot = AL + OB + DG + JPC + JStJ + JMLP+ BM
3) prot = JPC + AL + JMLP
4) prot = JMLP + AL

Rappel : AL=A. Laguiller, OB=O. Besancenot, DG= D. Gluckstein, JPC=J.-P. Chevènement,
JStJ=J. Saint-Josse, JMLP=J.-M. Le Pen, BM=B.

Tout a commencé pour moi le 11 mars, sur France Info. J’ai entendu Jean-Michel Blier parler d’un truc que je ne connais pas bien : « les partis de gouvernement ». J’ai vu aussi ailleurs un autre truc étrange : « les partis qui ont vocation à gouverner ». Bon, donc lui, Jean-Michel Blier, il sait ce que sont les « partis de gouvernement », et, au vu des sondages, il leur donne ce jour-là 60 % d’intentions de vote (en gros, c’est 30 % à droite et 30 % à gauche). Et - je cite JMB -, « le reste se réfugie dans un vote que j’allais qualifier d’inutile, mais en tous cas protestataire ». Donc 100 – 60 = 40 : 40 % de protestataires. C’est à partir de là que j’ai tendu l’oreille et ouvert l’œil, car je n’ai pas tellement aimé cette façon de faire deux paquets : un, les gens raisonnables avec qui on peut discuter, et les autres qu’on semble avoir envie de mettre à la poubelle. Et j’en ai entendu parler, du vote protestataire : celui qui en a peut-être le plus parlé, c’est Pierre Le Marc, qui fait une chronique chaque matin sur France Inter ; et chaque matin, je retrouvais mon vote protestataire, souvent avec des chiffres : le 4 avril, il donne une définition du vote protestataire : « le soutien apporté à des candidats sans discours et sans projet crédible par des citoyens raisonnables ». Et le lendemain, il chiffre : entre 33 et 37,5 %, avec l’addition Arlette Laguiller + Olivier Besancenot + Daniel Gluckstein + Jean-Pierre Chevènement + Jean-Marie Le Pen + Bruno Mégret + Jean Saint-Josse ! Il parle ce jour-là de « déferlante protestataire ». Dix jours plus tard, pour le même Pierre Le Marc, le « courant protestataire », il l’appelle ainsi, ne rassemble plus que les électeurs de JPC, AL, et JMLP, et l’addition lui donne 30 %. C’est peut-être qu’il a lu une tribune de Daniel et Gabriel Cohn-Bendit, dans Libération, qui, le 4 avril, disaient ceci : « Arlette plus Le Pen auxquels il faut ajouter Chevènement, cela fait 30 %, et cela ne peut que nous interpeller ». Ils ne disaient pas où ça les interpellait, mais sans doute quelque part. Il y a aussi Paris-Match, qui en parle : « Le vote protestataire totalise, entre Le Pen et Arlette Laguiller, plus de 20 % des voix ». Là, il n’y a plus que LP et AL. Alain Duhamel s’y met lui-aussi, sur RTL, le 16 avril : il trouve un quart des électeurs, en additionnant extrême droite et extrême gauche. Il appelle ça le vote « anti-système », mais, comme il est gentil, Alain Duhamel, il nous rassure en affirmant qu’ « il n’y a en réalité que 3 % de convaincus ». J’arrête là les additions pour dire qu’au fond, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas eu de protestation : dans une élection, quand on ne vote pas pour le sortant - ou les sortants, puisqu’on nous a bien expliqué que là, il y avait deux sortants - donc quand on ne vote pas pour les sortants, on proteste, forcément. Mais je pense que la protestation, ça peut être fécond. En tous cas, elle mérite d’être écoutée, et comprise. Mais, pour cela, il aurait fallu l’analyser, au lieu de la globaliser avec toutes sortes d’additions. C’était mon chapitre « je proteste ».

Mon deuxième chapitre, ça sera plutôt des questions. Je n’ai pas vraiment d’avis, je vous demande le vôtre. Tout tourne autour de comparaisons de pourcentages : plus petit, plus grand, ça baisse, ça monte… Le problème est parfois : qu’est-ce qu’on compare : des pourcentages d’inscrits, de votes exprimés, des nombres de voix ? Il faut savoir que d’élection en élection, le nombre d’inscrits change, le pourcentage d’abstentionnistes aussi… Donc voici quelques chiffres que j’ai vus ici ou là : j’en ai d’abord quelques-uns à propos de Jacques Chirac.

Chirac Nombre de voix % inscrits % exprimés
1988 6 075 160 15,9 19,9
1995 6 348 375 15,9 20,8
 
CHIRAC + BALLADUR =12 007 171 voix
2002 5 665 855 13,8 19,9

Le 22 avril, lendemain du premier tour, Le Figaro affirme que l’électorat chiraquien « est d’une remarquable stabilité ». Il appuie ce commentaire sur la comparaison des pourcentages obtenus en 1988, 1995 et 2002 : toujours à peu près 20 %. C’est vrai, voyez le tableau. Le Figaro a l’air de dire : l’électeur chiraquien, c’est du solide, c’est « à Chirac pour la vie ». Mais parallèlement, Le Monde du 5 juin, toujours à propos de l’électorat chiraquien, note ceci : « avec 5,4 millions de voix, Chirac fait moins qu’en 1995 (6 millions de suffrages), où il avait pourtant dû affronter Édouard Balladur –les deux hommes totalisant alors 11,5 millions. En sept ans, le capital électoral a fondu de moitié ». Au passage, je remarque des différences entre les chiffres du Monde, et ceux de mon tableau, que j’ai pris sur le site du Conseil Constitutionnel. Peut-être les chiffres du Monde ne tiennent-ils pas compte des DOM-TOM ? Mais bon, est-ce qu’il est remarquablement stable, cet électorat, ou est-ce qu’il a fondu de moitié ? Entre Le Figaro et Le Monde, qui est le plus pertinent ? En tous cas, ça doit sûrement avoir un sens, de tenir compte des différents candidats : Chirac seul, ou Chirac-Balladur, deux RPR pour le prix d’un, ce n’est pas pareil. Est-ce qu’on peut, tout simplement, comparer le nombre de candidats ? On en a parlé, des 16 candidats, on n’est pas près de l’oublier. Et un qui a fait un drôle de calcul, c’est Robert Hue, qui, à propos d’un sondage qui lui attribuait 5 % des intentions de vote, remarquait qu’en 1995, il n’y avait que 9 candidats, 16 en 2002, et que 5x16/9 faisait à peu près 9 %, donc à peu près son « score » de 1995, et même mieux. Bien sûr, le pauvre aurait sûrement bien aimé atteindre ces fameux 5 %, sans règle de trois…

L’arithmétique de R. Hue…
5 x 16/9 8,9
(présidentielle de 1995 : 8,6 %)

Mais moi, je trouve que dans certains cas, ce n’est pas si idiot que ça, de faire des règles de trois : à propos des législatives, là aussi, il y a eu beaucoup de comparaisons. Et lorsque Libération, le 10 juin, remarque qu’ « avec 4,2 % des suffrages (…) les Verts sont en léger recul par rapport au score de Mamère le 21 avril », score qui était de 5,3 %, je ne peux pas m’empêcher de remarquer que les Verts n’ont pas présenté de candidats par-tout. Ils n’en ont présenté que 458 (j’ai vérifié) sur 577 circonscriptions, et que 4,2 x 577/458, ça fait… 5,3 %. Alors, recul, ou pas recul ?

…appliquée aux Verts en 2002 :
Présidentielle (Mamère) : 5,3 %
1er tour législatives : 4,2 % pour 458 candidats et 577 sièges :

4,2 x 577/458 5,3

Je rajoute une dernière question : pensez-vous que dans des cas de sondages divergents, cela peut avoir un sens de faire une moyenne des résultats obtenus ? Je vous donne un exemple : dans Le Monde du 18 avril, j’ai lu que : « Jean-Marie Le Pen recueille désormais 12,3 % des intentions de vote, si l’on fait la moyenne des 5 enquêtes réalisées depuis le 10 avril ». Les enquêtes en question donnaient de 9,5 % pour l’IFOP à 14 % pour BVA… Est-ce que ça voulait dire quelque chose d’en faire un 12,3 % le 18 avril ?

Et j’ai un dernier chapitre qui serait tout le monde peut se tromper. Dans un article du 20-21 avril, le week-end du premier tour, Libération essaie d’analyser les abstentions. Et explique comme il est difficile de comprendre quoi que ce soit à cette élection, car « depuis 1995, près du quart du corps électoral a changé ». Diable, un quart en sept ans, c’est vraiment beaucoup, on est vite poussé dans la tombe, ça nous fait une espérance de vie à 18 ans bien courte… Donc je lis l’explication, il y en a une, et elle est très carrée : en sept ans, un peu moins de 5 millions d’électeurs sont morts, donc à peu près 1/8ème de l’électorat. Et pendant ce temps, un nombre à peu près équivalent de jeunes ont atteint 18 ans, donc 1/8ème à nouveau. Et 1/8 +1/8, il n’y a pas de doute, ça fait 1/4. Mais ce que la journaliste n’a pas remarqué, c’est que le 1/8ème de jeunes avait simplement remplacé le 1/8ème de morts, et qu’il n’y avait qu’1/8ème du corps électoral qui avait changé… Dieu merci ! Je n’ai pas surveillé Libé pour voir s’il y avait eu une rectif, parce que c’est vrai qu’ils ont le droit de se tromper, quand même.

J’ai encore deux petites histoires à vous raconter, dans la série tout le monde peut se tromper, mais parfois je trouve que ça fait un peu mal quand même… Ça se passe entre les deux tours de la présidentielle. Vous vous souvenez sûrement de ces quinze jours étranges, même carrément inquiétants, je trouve. Il n’y avait presque pas de sondages, mais il y a eu quelques chiffres quand même… Quelques jours avant le second tour, Jean-Marie Le Pen a tenu un meeting à Marseille. Et le lendemain matin, France Inter raconte : « Jean-Marie Le Pen n’a rassemblé que 3 000 personnes dans une salle qui pouvait en contenir 6 000 », et, presque dans le même souffle, trois secondes plus tard : « la salle était vide aux deux tiers »… Quand même, je pense que ce journaliste était pétri de bonnes intentions, mais moi, ça m’a fait mal. C’est comme ce fameux « s’abstenir, c’est donner une demi-voix à Le Pen », qu’on a entendu ici ou là. Moi, je l’ai entendu plusieurs fois : à France Inter, le matin du 1er mai, mais aussi sur Europe 1, dans la bouche de Catherine Nay, le 29 avril. Elle disait : « chaque voix qui se réfugie dans l’abstention, le vote blanc ou nul, se traduit par une demi-voix de plus pour Jean-Marie Le Pen ». Je ne dis pas que c’est aussi simple à comprendre que mes 3 000, mes 6 000 et mes 2/3, mais il n’est pas besoin d’être journaliste scientifique pour comprendre que non, ce n’est pas la même chose, sauf si on envisage que les deux candidats sont à 50-50, et ce n’est manifestement pas ce qu’elle souhaitait, Catherine Nay, c’était clair. Donc non, ce n’est pas pareil. Moi, je trouve que dans certains cas, les erreurs, même si elles sont pleines de bonnes intentions, c’est vraiment dommage pour le débat électoral.

Voilà j'ai fini.
(applaudissements)


J.-R. B. : Alors, réactions ?... D'abord de nos amis journalistes, sur cette manière de voir les choses... Vous avez remarqué le choix des titres : le Canard enchaîné on ne le voit pas, La Croix non plus... bon on a été poli, en somme. C'est vraiment que vos collègues sont nuls ?

L.-M. Horeau : Il faudrait que vous disiez des choses un peu désagréables sur les gens qui sont ici... Qu'on puisse réagir. Là c'est trop facile.

J.-R. B. : Je précise que c'est le hasard des choses qui a fait le choix des exemples.

F. Dixmier : Je n'avais pas prévu les invités... j'aurais pu essayer, j'aurais pu chercher effectivement. Mais vous, vous ne dites jamais de bêtises...

L.-M. H. : Mais si, bien sûr… bien sûr qu’on en dit... Juste une petite réaction sur la première partie des explications, sur le financement des partis politiques : si j'ai bien compris, vous trouvez que ce n'est pas assez clair, pas assez net et que ce n'est pas encore ce qu'il faudrait. J’en suis tout à fait d'accord. Mais enfin, permettez-moi aussi d'avoir une certaine nostalgie de l'époque où il n'y avait aucune règle d'aucune sorte, où on vivait uniquement sur les commissions, sur les fonds secrets et autres enveloppes, ce qui, quand même, pour le Canard était un temps béni, puisque c'était le temps de la pénombre. Je regrette un peu ce temps-là... (rires)

J.-R. B. : Première expression de nostalgie... est-ce qu'il y en a d'autres ?

F. Lehobey : Ce n'est pas vraiment de la nostalgie, parce que c'est la nostalgie d'un temps qui n'a certainement jamais existé. Ce que je voudrais dire va parler d'argent, de parité, et se termine sur une proposition. L'histoire, c'est qu'en fait le Parti socialiste a été condamné à perdre de l'argent, enfin c'est une façon de voir, à cause des femmes qu’il n'a pas fait élire… C'est dommage qu'on n'ait pas eu les chiffres pour lui, parce que le chiffre que j'ai, je le tiens de seconde main, ce serait 10 millions de francs... Je regrette une époque qui n'a jamais existé, celle où les partis politiques tiraient leur financement des cotisations de leurs membres et de leurs élus. En fait ça n'a jamais marché comme ça, malheureusement, mais vous allez voir le lien avec ce que je vais dire par la suite : il y a eu cet été, je ne sais plus dans quel endroit exact, une université d'été des femmes élues politiques, et c’est là où arrive la proposition : ce que les participantes de cette université d’été ont remarqué c’est que, puisque le Parti socialiste avait délibérément renoncé à 10 millions de francs, il n'avait pas à le faire supporter à ses propres adhérents. Et elles ont suggéré, en faisant une proposition un peu méchante et brutale, que les militants du Parti socialiste retirent chacun 15 euros à leur cotisation. C’est une façon de faire payer deux fois le non-respect de la parité, qui a non seulement un coût politique, puisque le Parti socialiste avait lui-même voté la loi, mais aussi un coût financier. C’est une mesure que les propres membres d’un parti peuvent appliquer eux-mêmes pour faire ce que la loi ne fait pas assez.

J.-R. B. : J'avais un peu de crainte en t’écoutant, parce que je croyais que tu allais dire qu'il fallait faire payer plus cher les adhérents masculins que les adhérentes ! Puisqu'ils ont plus de chances d'être promus par leur parti, ce serait au fond assez normal... S'il y a des membres du Parti socialiste dans l'assistance, ils peuvent éventuellement proposer ça à leur parti et y réfléchir. Ça vaut aussi pour d'autres partis, d'ailleurs. Y a-t-il d’autres propositions constructives comme celle qu'on vient d'avoir ?

La salle : Où va l'argent des pénalités ?

J.-R. B. : Où va l'argent des pénalités ? Est-il redistribué ou retourne-t-il au Trésor Public ?

N. Meunier : Je ne sais pas exactement sur la parité…

J.-R. B. : Où va l’argent des femmes ?

N. M. : L’argent des femmes, je ne sais pas, mais je peux vous faire une réponse sur l'argent de l'argent. La cagnotte dont je vous ai parlé, en fait, est définie au départ. Mais chaque année, les partis doivent présenter leurs comptes pour bénéficier de ce financement. Ce n'est pas leur seule source de financement, mais c'est effectivement plus clair qu'avant. Ce qui se passe, c'est que chaque année ce n'est pas le même montant qui est versé parce qu'il peut y avoir un parti comme « Nancy pour tous », pour rester dans la zone, qui ne va pas présenter à temps ses comptes clôturés, et donc ne va pas bénéficier de ses 21 F. Et ça, c'est de l'argent qui n'est pas distribué : donc c'est tout bénéfice pour le Trésor Public. Sans doute que pour la parité, c'est la même chose...

C. Baudino : En tout cas, la perte du Parti socialiste, ce n'est certainement pas 10 millions, parce que la perte de l’UMP, c’est quatre. J’ai les chiffres de l’Observatoire de la parité, je peux rechercher si ça vous intéresse, mais la perte de l’UMP c’est 4…

La salle : 4 en euros, et 10 en francs…

C. B. : Ah ! oui, en francs... OK.

F. D. : Non, même pas, ça ne va pas.

J.-R. B. : Justement, ça va dans l'autre sens, donc si on raisonne en euros…4 millions d'euros… le Parti socialiste c’est sans doute plus que l’UMP parce que c’est plus gros…

La salle : Non…

J.-R. B. : … Ah ! c’est moins ? Oui mais il faut multiplier par le total de financement : en pourcentage, c'est moins, mais... Je n’ai pas tout suivi... (rires)

La salle : Le P.S. a perdu les élections…

F. D. : On avait oublié ce détail…

C. B. : Voilà, je l'ai, j'ai la pénalité... le montant de la pénalité sur la première portion en euros pour le Parti socialiste, c'est 1 323 722,30 euros.

J.-R. B. : Ça fait bien 10 millions de francs, c'est cohérent à quelques pouièmes… Excusez-moi, je faiblis à cette heure tardive, avec autant de calculs...

F. L. : Une question sur le financement : la discussion de ce soir m'a appris qu'une rumeur qui a circulé entre les deux tours était infondée, si j'ai bien compris les explications qui nous ont été données. Entre les deux tours de l'élection présidentielle, qui à première vue ne concerne pas le financement des partis politiques, il y a un courrier électronique qui a circulé… mais vous savez ce qu'il faut accorder comme crédit au courrier électronique… Le message disait que l'abstention apportait de l'argent à Le Pen, parce que justement, comme l'enveloppe globale était fixe, le fait de s'abstenir faisait qu'il y avait une plus petite division de cette enveloppe. Le calcul était assez compliqué, mais, s’il était pertinent, c’était très plausible… Seulement, apparemment, ce n'était pas vrai pour l'élection présidentielle.

N. M. : Non, c’est calculé sur le premier tour des législatives.

J.-R. B. : Alors c'est vrai ou ce n’est pas vrai ? Il s'agit des législatives ou de la présidentielle ?

F. L. : Ça s'est passé entre les deux tours de la présidentielle, ce que je viens de dire.

F. D. : C’est ça qui est étrange, dans ce qu'il dit...

N. M. : A priori, les 24 millions de voix, c'est le premier tour des législatives. On ne compte en fait que le premier tour de l'élection législative. C'est comme ça que sont répartis les fonds. Mais comme c'était avant, c'était vrai pour après... (rires)

J.-R. B. : Compte tenu de tous ces calculs, le citoyen qui vote bêtement pour le candidat qui lui plaît le plus montre qu'il n’a rien compris. Ça devient horriblement compliqué de voter. Et moi, finalement, je crois que la démocratie participative c'est bien mieux que la démocratie repré-sentative... (rires)

F. Vansteenkiste : Moi j'espère que ces débats ne transpireront pas trop à l'extérieur. Parce que si je suis le raisonnement de Claudie Baudino sur la parité, et hélas, je crois qu’elle n’a pas été la seule à le faire, il est bien clair que, somme toute, le non-respect de la parité n'a vraiment pas coûté cher. Et on ne voit pas pourquoi, aux prochaines élections, on se priverait de représenter 85 % d'hommes, parce que vraiment, au prix que ça coûte, ça ne vaut pas la peine de s'en priver.

J.-R. B. : Ce que je trouve étonnant, c'est que dans toute notre conversation, le postulat selon lequel un homme se vend mieux sur le marché électoral qu'une femme n'a été contesté par personne. Toute notre conversation de ce soir avait ce postulat au départ. Vous en tirez les conclusions que vous voulez…

N. M. : Si je comprends bien, la parité, ça joue dans les deux sens, c'est-à-dire qu'un parti qui présenterait 85 % de femmes serait lui aussi lourdement pénalisé. (rires)

J.-R. B. : Ça peut éventuellement arriver dans le cas de « Metz pour tous »... (rires)

N. M. : 85 % sur un candidat...

F. V. : Je ne peux pas laisser passer ce que vous venez de dire concernant le postulat de départ. Le postulat de départ, je ne sais pas s’il est clair de cette façon pour tout le monde, mais pour moi il l’est de la façon suivante : ce ne sont pas les électeurs qui disent ça, mais les hommes qui se présentent et qui préfèrent avoir la place eux, et le bon fauteuil eux, que quelqu’un d’autre. En fait le quelqu’un d'autre je ne sais pas si c’est pour eux très important que ce soit une femme ou un raton-laveur, mais ce qu'ils veulent, c’est se persuader eux, et persuader les autres qu'ils ont plus de chances d'être élu. Je ne suis pas du tout sûre que ce soit la même situation pour les électeurs. La situation c'est : quand j'ai un siège, je m'y installe, et quand je n'ai pas le siège, je préfère qu'il y ait le moins possible de concurrents autour de moi pour essayer de le prendre ; et si on élimine déjà la moitié de la population, ça aide...

N. M. : Il y a un autre débat qui a un petit peu démarré ces derniers temps : les jeunes hommes râlent parce que les vieux hommes restent, et parce que quand on libère des places, on met des femmes jeunes (rires). Mais c'est vrai, il y a des jeunes lancés dans la politique qui disent « au secours, qu’est-ce qu'on fait, nous ?»

C. B. : Si je peux ajouter juste quelque chose sur les femmes, c'est vrai qu'au moment des municipales, il y a eu aussi un regard critique sur les candidates : on a trouvé que les candidates étaient trop jeunes. Les femmes qui étaient dans les partis politiques ont dit : les hommes utilisent la loi sur la parité ; ils sont obligés de la respecter, mais qu'est-ce qu'ils font ? Ils ne désignent pas aux postes des femmes qui ont de l'expérience, ils désignent de petites jeunes, comme la fameuse Roxane Decorte qui est apparue dans le sillage de Seguin. Donc effectivement, les hommes jeunes ne sont pas contents, mais les femmes d'âge mûr non plus ne sont pas contentes parce qu'on les a laissées au profit de jeunettes…

F. D. : Nicolas a dit « les hommes vieux », mais toi tu as dit « les femmes d'âge mûr »...

F. L. : Je voudrais revenir sur le postulat de départ... En fait je crois qu'il a été assez clair au cours de la campagne, et ça a été redit ce soir, qu'il valait mieux un homme élu qu'une femme battue… (rires)

J.-R. B. : Il y a des associations contre les femmes battues... (rires)… ne te laisse pas troubler, continue... on avait traduit…

C. B. : J'avais fait attention à ne pas utiliser ce terme, et c'est pour ça que je parlais de « candidates ».

F. L. : En fait, le postulat n'était pas exactement celui-là. Ce n'était pas tellement sexué. Le principe était plutôt « il vaut mieux avoir un sortant élu qu'un petit jeune battu. » Et ça je l'ai lu au moins dans Le Monde et le Canard enchaîné, c'était explicite y compris au mois de juin pendant les élections, ce n'est pas quelque chose qui a été analysé a posteriori.

J.-R. B. : On voit qu'il y a encore tout un champ d'exploration sur ce sujet. Est-ce qu'il y a d'autres réactions là-dessus ?… Non ? Alors on se donne enfin l’autorisation de parler des sondages...