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Football, statistiques et probabilités

Le lecteur de la presse sportive a nécessairement constaté la multiplication des statistiques et des références à la statistique, et parfois aux probabilités, dans son quotidien ou ses magazines. Le football en fournit des illustrations saisissantes : il y a une cinquantaine d’années, on ne s’intéressait guère qu’au nombre de buts marqués et au nombre de points engrangés  ; on attribuait éventuellement des étoiles aux joueurs selon la qualité de leur performance et on publiait le montant des transferts des principales vedettes (bien inférieur à ce qu’il est devenu...) mais c’était à peu près tout.

Quelques commentaires s’aventuraient quand même sur le terrain des probabilités avec des titres du genre «  32èmes de finale de la Coupe de France étonnants : il n’y a eu aucune surprise  !  ». On était donc étonné qu’il n’y ait pas de surprise. Mais oui, on était fondé à l’être : si l’équipe de rang supérieur a – admettons – 9 chances sur 10 de gagner, et en supposant que les résultats des matches sont indépendants les uns des autres, il n’y a qu’environ 3 chances sur 100 que cet événement logique se reproduise 32 fois  !

Désormais, on analyse «  en temps réel  » le pourcentage de possession du ballon pour chaque équipe (au total, dans sa moitié de terrain, à moins de 30 mètres du but adverse...) et même pour chaque joueur, le nombre de kilomètres parcourus, de duels gagnés, la vitesse maximum à laquelle un joueur a remonté le terrain balle au pied, le nombre de passes «  décisives  » ou de passes ratées et... j’en passe. Quand on joue de mieux en mieux, on «  améliore ses statistiques  ». Ou c’est plutôt l’inverse : quand on améliore ses stats, cela prouve qu’on joue de mieux en mieux. On les «  fait mentir  », les statistiques, quand on renverse un pronostic  ; et même : on les «  dépoussière  » quand on gagne une coupe pour la première fois depuis longtemps. Je tiens à la disposition de qui serait intéressé un petit florilège de ces citations.

Dans l’équipe dirigeante du Paris Saint-Germain qui compte onze personnes, on trouve au même (haut) niveau que l’entraîneur des gardiens de but, un statisticien dont les enseignements sont, paraît-il, devenus indispensables à l’entraîneur. L’article ne disait pas le niveau de rémunération, le calcul des primes et le «  mercato  » intéressant ce statisticien.

En tout cas, ce qu’il n’avait sans doute pas prévu, c’est ce qui s’est passé lors des deux confrontations entre le PSG et le FC Barcelone au printemps dernier. Rappelons les faits : le PSG l’avait emporté par quatre buts à zéro au match aller. Pour se qualifier, le FC Barcelone devait l’emporter par cinq buts d’écart au match retour. Or, un tel renversement de situation ne s’était jamais produit dans l’histoire des coupes d’Europe. Ici, les sources divergent : les précédents de «  4-0 à l’aller  » seraient au nombre de 59, 165, 185 ou 213 selon les sources. Mais passons...

Le plus intéressant est que, au vu de ce passé, on estimait avant le match retour à 100 % la probabilité pour le PSG de se qualifier. On déduisait ce prétendu calcul de probabilité du fait que, l’événement inverse ne s’étant jamais produit, sa fréquence était nulle. De là à en déduire une probabilité, il n’y avait qu’un pas à franchir... pour se planter, en l’occurrence  ! Certains commentaires étaient à juste titre plus prudents et parfois très clairvoyants. En gros, pour ces analystes, la probabilité était nulle mais, mais... c’était le FC Barcelone  ! Alors, un événement de probabilité nulle pouvait donc se produire «  puisque c’était le FC Barcelone  ». Eh, oui. Barcelone a «  fait mentir les statistiques  » ! À moins que ce ne soit l’arbitre...

Parmi les commentaires d’après-match, citons-en deux «  Après le 4-0 du match aller, contre les Catalans, le PSG avait 100 % de chances d’atteindre les quarts de finale. Il a perdu 6-1 et s’est décrédibilisé  » et «  Cela ne se reproduira pas avant des dizaines d’années.  » On aimerait avoir connaissance du «  modèle  » et de la probabilité qui aboutissent à ce pronostic...

Alain Gély