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Cadeau empoisonné

J’ai déjà eu l’occasion de fustiger les propos inflationnistes sur la dette de la France (Lettre blanche n°42, mars 2006, « N’en jetez plus, la dette est pleine »). Le montant de cette dette est assez impressionnant pour ne pas y ajouter, comme beaucoup le font, les retraites des fonctionnaires, voire, comme certains, les salaires des fonctionnaires en activité… Une autre chose me fait tiquer dans les propos de beaucoup de gens très inquiets de cette dette. Elle consiste à dire que si nous ne la remboursons pas, ce sont nos enfants qui devront obligatoirement le faire. Ce propos n’a pas de sens et vient d’une confusion entre le budget de l’État et celui d’un ménage. Supposons qu’un ménage ait beaucoup emprunté, soit parce qu’il est prodigue, soit, tout simplement, pour boucler ses fins de mois. Il faut qu’il rembourse cet emprunt avant sa disparition. Si celle-ci intervenait prématurément, ses héritiers (autrement dit les enfants des défunts, la plupart du temps) devraient le faire. Or, il n’y a rien de tel pour l’État. Pourquoi ? Parce qu’il est éternel, ce qui fait que sa dette peut, elle aussi, être éternelle. Si nous ne la remboursons pas, nos enfants peuvent certes la rembourser, mais ils peuvent aussi décider de ne pas le faire, de même que nos petits-enfants et nos arrières (1)

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de problème ? Non. Mais celui-là ne réside pas dans le montant de la dette mais dans le montant des remboursements annuels, lequel dépend, certes, du montant de la dette mais aussi des taux auxquels l’argent a été emprunté. Ces remboursements représentent 41 milliards d’euros dans le budget français 2007, à comparer avec l’impôt sur le revenu qui rapporte 57 milliards d’euros, ou celui sur les sociétés, qui en rapporte 46 ! Le problème est donc là. Avec cet argent, on pourrait faire beaucoup de choses utiles, par exemple avoir des institutions judiciaires dignes d’un État de droit ou des universités dignes de pays développés…

Résumons : si nous aggravons la dette, nous aggravons la situation de nos enfants. Si nous la maintenons à son niveau actuel, nous transmettons à nos enfants la même situation que la nôtre, ni pire ni meilleure. Mais comme nous sommes censés les aimer, ce serait plus sympathique de leur transmettre une situation meilleure et donc de commencer à effacer cette fichue ardoise.

Jean Célestin

(1) : Certes, l’État rembourse ses créanciers, mais dans l’état actuel des choses il le fait avec de nouveaux emprunts, d’où la perpétuation de sa dette.

Ndrs : voir la (longue) réaction de Nic de Mars.