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Editorial

"L’obscurité est-elle la seule donnée non illusoire,
la seule qui nous soit commune à tous ?
se demande Monsieur Palomar"

Italo Calvino, Palomar

 

L’épigraphe d’Italo Calvino, pour ouvrir le premier numéro de cette année 1995, est on ne peut plus clair. Un autre grand auteur aurait pu ajouter « Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». Souhaitons que les pages qui suivent apportent un rai de lucidité sur la vie aventureuse des nombres.

Y voir plus clair, c’est bien l’objectif de la contribution de notre consœur Adi Maalay sur les projections en matière de population incarcérée. Y aura-t-il ou n’y aura-t-il pas 70000 détenus en l’an 2000 comme on a pu le lire dans nombre de journaux ces derniers mois ?

Mais d’abord et premièrement, comment la question se pose-t-elle ?

Le mardi 22 novembre 1994, se tenait, à la cour d’appel de Paris, la deuxième rencontre Pénombre. Madame Myriam Ezratty, présidente de la Cour nous y a fait l’honneur de sa présence. Alain Desrosières, administrateur de l’INSEE, présentait une brillante conférence intitulée « raison statistique et débat public, discuter l’indiscutable ». Christiane Ducastelle en rend compte ici. Ce texte est complété par un article d’Anne Brunel, journaliste à Radio France et un autre de Patrick Simon, de l’Institut national d’études démographiques. Tous deux avaient accepté de jouer le rôle de « répondant » lors de cette rencontre. Les lecteurs, et en particulier nos adhérents de province et de l’étranger, auront ainsi une bonne retranscription de ce qui s’est dit lors de cette rencontre parisienne.

Dans le numéro 4 de juin 1994, Patrick Simon inaugurait la nouvelle rubrique « confrontation » par un article intitulé « Plus que moins ou moins que plus ? » dans lequel il faisait la critique d’un article de François Héran, paru dans Population et sociétés traitant de « l’unification linguistique de la France ». Nous publions, avec un retard dont les raisons rocambolesques vous sont contées, la réponse de François Héran, pour laquelle nous le remercions.

Bruno Aubusson de Cavarlay propose ses propres réflexions sur cette confrontation qui l’a laissé sur sa faim.

Ce numéro est ponctué, comme les précédents, par nos rubriques à présent bien établies. C’est, comme disent certains, le « lard » de notre opuscule, et Pénombre ne compte pas vous proposer de sitôt sa "nouvelle formule". Tout de même, ayant tardé pour la parution de ce numéro, nous l’avons rallongé de quelques pages.

Nous avons choisi Pierre Desproges pour notre rubrique "des chiffres et des lettres" et George Sand pour "le coin d’ombre". L’un propose une partition de l’humanité en quatre sous-ensembles, l’autre trouve les mots pour dire le clair obscur.

Clara Halbschatten se permet dans sa chronique, sans fausse pudeur et avec la gentillesse qu’on lui connaît, de dire tout le bien qu’elle pense de deux ouvrages dont les auteurs sont parmi les collaborateurs réguliers de Pénombre.

Enfin dans la rubrique « mille feuilles » Bruno Aubusson de Cavarlay propose des extraits d’un ouvrage de Nelson Goodman, philosophe américain qui se démarque du "réalisme" et de "l’idéalisme" dont Albert Einstein est une figure emblématique. Justement, nous avions initialement prévu la reproduction d’un texte du grand Albert sur « la vérité objective ». Qui peut le plus, peut le moins.

Plus ou moins.

Plus ou moins, ce n’est pas la même chose, il faut choisir. Et pourtant cela signifie aussi « à peu près ». C’est un signe.

 
Pénombre, Février 1995