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Editorial

"J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareil à des acteurs de drames très antiques,
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets"

Arthur Rimbaud, Le bateau ivre
 

De ma fenêtre je regarde le soir tomber. C’est l’automne depuis hier, mais je ne crois pas que la météo le sache, il fait si doux. Votre courrier m’a mis du baume au cœur. J’avoue que mon moral en a pris un coup lorsqu’on m’a annoncé que je devrais rester quelques temps ici, dans cette maison de repos au bord du lac. Bien sûr l’endroit est merveilleux, et cet ancien palais, (le caprice d’une maîtresse envers son riche amant, m’a-t-on dit) ne devrait pas inciter à la mélancolie, mais je n’augure pas très bien de la suite. Alors votre envoi est ce qu’il me fallait pour me ragaillardir. "Le" livre est magnifique, je vous félicite tous. Je suis fière d’y avoir apporter ma petite contribution, mais surtout fière pour vous, s’il ne vous apporte pas immédiatement la notoriété, je pense qu’il constituera pour l’avenir une référence précieuse.

Chers amis, ces lignes que vous me demandez en forme d’éditorial ou de billet d’humeur sont un vrai plaisir à rédiger, mais un piètre remerciement.

J’ai lu les textes de ce numéro avec soin. J’apprécie ce temps que vous prenez à parler des ouvrages de vos collègues et à avoir recueilli vos "feuilles d’automne". Je me souviens de ce jeu auquel nous nous livrions quand nous étions gamines, qui consistait à découper la partie souple des grandes feuilles d’arbres avec l’ongle du pouce, pour ne laisser que les nervures, les plus fines nervures. C’est un peu ce que vous avez fait. J’espère recouvrer bientôt mes forces pour vous adresser, moi aussi, quelque savant et néanmoins plaisant article.

Encore un mot, au sujet de Mélanie1. Ma jeune petite nièce est un peu renfermée et parfois même presque revêche. Je ne puis ici vous parler des tristes événements qu’elle a vécus, mais je compte sur vous pour l’entourer, et je sais d’expérience que vous le faites très bien. Merci à René d’avoir accepté ce duo d’automne.

Clara Halbschatten
 

1 Ndlr. Mélanie Leclair, qui pour la première fois collabore à Pénombre.



Illustration extraite de "Siona à Paris", de Myriam Harry,
illustration de Renefer, Le livre de demain, ed. Arthème Fayard et Cie, 1928.

 
 
Pénombre, Octobre 1999