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Ils partirent 40, ils se virent 12 au port

Selon le quotidien 20 Minutes du 11 mars 2007, après le retrait de l’écologiste Corinne Lepage, 39 candidats à la présidentielle restaient officiellement déclarés, sous réserve de franchir l’écueil des 500 parrainages d’élus (tableau) avant le vendredi 16 mars à 18h00. Cette barre, qui été fixée en 1976 afin d’empêcher les candidatures fantaisistes, s’accompagne également de l’obligation que ces 500 parrainages proviennent d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer, avec un maximum de 50 par département. Le lundi 19 mars, le Conseil constitutionnel, au terme d’une vérification attentive de ces parrainages, devait en retenir seulement 12. C’est donc au final moins de candidats qu’aux élections de 2002, où l’on avait atteint le record de 16. Mais quel nombre maximal de candidatures le dispositif autorise-t-il ?

Au total, suivant le relevé du dit Conseil, au 10 février 2007, 47 462 personnes étaient susceptibles de parrainer un candidat, chiffre fourni en fait par le ministère de l’Intérieur et entériné comme tel par le Conseil. À noter que les journaux (exemple, le Figaro du 23 février) ne mentionnaient que 47 289, oubliant les trois dernières lignes du tableau ci-dessous : le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les membres de l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna et les membres élus de l’Association des Français à l’étranger.

  • Mandat : Nombre d’élus
  • Député : 574
  • Sénateur : 331
  • Député au Parlement européen : 78
  • Conseiller régional : 1 827
  • Conseiller à l’Assemblée de Corse : 59
  • Conseiller général : 4 054
  • Conseiller de Paris : 1 620
  • Maire : 36 695
  • Maire délégué de commune associée : 761
  • Maire d’arrondt (Lyon, Marseille) : 17
  • Pdt de communauté urbaine : 14
  • Pdt de communauté d’agglomération : 164
  • Pdt de communauté de communes : 2 365
  • Membres de l’Assemblée de la Polynésie française : 57
  • Pdt de la Polynésie française : 1
  • Membre du Congrès de Nouvelle-Calédonie : 54
  • Membre Assemblées des provinces de Nouvelle-Calédonie : 76
  • Pdt du gouv t de Nouvelle-Calédonie : 1
  • Membre de l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna : 19
  • Membre élu de l’Association des Français à l’étranger : 153

Soit donc un seuil théorique de 94 candidats (47 289/500) ? Non, car le Conseil constitutionnel mentionne que son dénombrement ne tient pas compte des mandats multiples qu’un même élu peut détenir, mais sans pour autant préciser l’effectif après dédoublonnements (la liste exhaustive de ces élus n’est d’ailleurs pas nécessaire aux contrôles, il suffit de vérifier que le parrainage provient bien d’un élu habilité). Le calcul du potentiel de parrains n’est pas évident, faute de disposer d’une base de données unique et exhaustive. Comment combler cette lacune, travail dont l’importance n’échappera évidemment à personne ? Tout d’abord, vérifions si certaines catégories ne doublonnent pas par simple construction. Tel est le cas, par exemple, du président de la Polynésie française, qui est membre de l’Assemblée de ce territoire, des membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie, qui sont issus des assemblées des trois provinces de cet autre territoire…, ou des présidents des 14 communautés urbaines, qui sont tous des élus déjà habilités à apporter leur parrainage : ce qui explique que le tableau conduit à un chiffre supérieur à 47 462 (48 920). Pour le reste, il est nécessaire d’analyser les listes d’élus et de rechercher s’ils disposent d’autres mandats électifs.

Nous avons réalisé l’exercice avec un tirage au quart pour les effectifs les plus importants (Sénat et Assemblée nationale), à moitié pour d’autres (Parlement européen, conseillers de Paris) et seulement au tiers pour les conseils régionaux, en raison de la difficulté de la recherche sur leur site. L’inventaire a été exhaustif pour les maires d’arrondissement et pour l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna. Enfin, une approche plus grossière a été retenue pour les intercommunalités, visant à estimer la part des mandats uniques à partir de recherches sur Google. Restent les conseillers généraux et les maires. Pour les premiers, un sondage a été effectué sur un quart des départements et recroisé avec les mandats de conseillers généraux identifiés dans les autres relevés. Pour les maires, enfin, on a procédé en défalquant du total les doublons identifiés après redressement suivant les taux de sondage ci-dessus.

L’opération, complexe, n’est pas exempte d’erreurs (ne serait-ce que du fait que les fiches des élus ne sont pas toujours complètes), mais elle permet au moins d’approcher la réalité dans un temps limité. Ainsi on peut retenir, au titre de leur mandat principal, tous les députés et sénateurs, les conseillers de l’Assemblée de Corse, les membres de l’Assemblée de Polynésie française, les membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie et les membres élus de l’Association des Français à l’étranger. Puis, en tenant compte de cumuls de mandats, 95 % des membres de l’Assemblée territoriale de Wallis et Futuna, 92 % des conseillers généraux (8 % étant déjà décomptés avec les députés et les sénateurs), 89 % des conseillers régionaux, 76 % des maires d’arrondissement de Lyon et de Marseille, 63 % des députés au parlement européen et 50 % des conseillers de Paris. Tous les présidents de communauté urbaine sont déjà décomptés au titre d’un autre mandat, de même que le président de la Polynésie Française, ainsi que 98 % des maires délégués de communes associées et 95 % des présidents de communauté d’agglomération ou de communauté de communes. Restent les maires, pour lesquels on a pu estimer, principalement à partir des échantillons de sénateurs, de députés, de conseillers généraux et de conseillers régionaux, que 7 % d’entre eux ne pouvaient pas apporter leur parrainage puisqu’ils disposaient déjà d’un autre mandat électif.

Nous aboutissons à un total estimé de 41 764 parrains potentiels, soit 88 % des parrains théoriques. Ce sont donc, au plus, 83 candidats qui pourraient théoriquement se présenter à l’élection. Mais les sages du Conseil, qui avaient reçu quelque 16 900 formulaires, en ont validé seulement 16 615, près de 2 % des parrainages étant jugés incomplets ou incorrects. Il faut donc plutôt compter 509 parrainages minimum, ce qui nous laisserait 82 candidats pour le premier tour ! Illusion toutefois, car la plupart des candidats ont déposé bien plus de parrainages que les 500 exigés, souvent 550, voire plusieurs milliers pour les candidats des grands partis. Alors, faisons une proposition : que tout candidat ne puisse pas en déposer plus de 600 et, au nom de la démocratie, on pourra tabler sur un maximum de 70 partants. Peut-être aurons-nous à choisir parmi ce nombre en 2012 !

Daniel Cote-Colisson