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Trop moyen

Je suis en train de lire l’excellent dossier de Philippe Combessie, “Il était six mois dans l’Ouest”1.

Page 6, il relate le compte rendu d’une manifestation d’internes, qui a eu lieu le 28 Mars 1997, où les manifestants étaient comptés 25 000 par les organisateurs et 9 500 par la police. Puis Philippe Combessie s’interroge sur la raison du chiffre de 15 000 adopté par Ouest-France, dont il note que ce n’est pas la moyenne des deux chiffres précédents.

Effectivement, mais peut-être ne faut-il pas utiliser cette moyenne, dite moyenne arithmétique ?

J’ai trouvé récemment, dans un livre intitulé Les mathématiques apprivoisées, de Bernard Aubry (éd. Ellipses), une proposition de technique pour calculer un chiffre de manifestants à partir des deux chiffres donnés par les organisateurs et la police.

Le principe est le suivant : on peut supposer que les organisateurs et la police ont tendance à transformer la réalité de manière analogue. Les organisateurs multiplient (consciemment ? inconsciemment ?) le vrai chiffre par un certain coefficient, et la police divise ce même vrai chiffre, également par un certain coefficient.

Si on fait l’hypothèse qu’ils utilisent le même coefficient (par exemple, les organisateurs multiplient leur compte par 2 et la police divise ce même compte par 2), on constate alors que le chiffre qui doit être retenu est, non pas la moyenne arithmétique, mais la moyenne géométrique des deux chiffres donnés par les organisateurs et la police.

En effet, si P est le vrai chiffre des manifestants, si P1 est le chiffre donné par les organisateurs, si P2 est le chiffre donné par la police, et si a est le coefficient dont on parle plus haut, alors :

P1 = a.P et : P2= P/a

La deuxième égalité nous donne : a = P/P2, qu’on reporte dans la première égalité, ce qui donne :

P1 = P/P2 x P = P2/P2,

d’où le résultat : P2 = P1 P2, soit :

P = √ P1 P2

On reconnaît que P est la moyenne géométrique de P1 et P2, et que, en outre, le résultat obtenu ne dépend pas du coefficient a (qu’on serait d’ailleurs bien en peine d’évaluer).

Je ne sais pas si des journalistes appliquent ce calcul, mais, dans l’exemple de Ouest-France cité par Philippe Combessie, la moyenne géométrique de 25 000 et 9 500 vaut environ 15 411, ce qui est proche des 15 000 annoncés par le journal.

Par contre, à la page 8 (manifestation anti-nucléaire), la moyenne géométrique entre 12 000 à 15 000 d’un côté, et 25 000 de l’autre serait comprise entre 17 320 et 19 365, donc sensiblement inférieure au chiffre de 20 000 adopté par le journal.

Eric Morvan

 
 1 Lettre grise de Pénombre, n°5, été 2000.

 
Pénombre, Janvier 2001