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Editorial : Barres, barres…

Ecouter les bruits sourds
qu’on entend dans cette ombre

Vistor Hugo, Toute la lyre, XXXII

 

Au printemps de cette année, la presse titre que " le chômage passe sous la barre des 9 %." Il était déjà passé sous la barre des 10% et on se souvient qu’entre 1996 et 1998 il avait dépassé la barre des 12 %. De son côté, l’indice des prix, qui avait baissé au-dessous de la barre de 2 % par an, était remonté au-dessus, mais semble vouloir la franchir à nouveau dans le sens descendant... Il n’est de mois qui passe, que quelque indicateur (parité de l’euro, cours du baril, commerce extérieur, criminalité, score électoral d’un parti, popularité d’un homme politique, ...) ne franchisse dans un sens ou dans l’autre une barre.

Bien entendu, un tel niveau, qui se définit uniquement par un nombre rond, ne correspond à aucune réalité physique, économique ou autre. À rien qui rende difficile et méritoire le franchissement, rien à l’inverse qui déclenche une menace ou appelle une action particulière. L’abus de la formule use le mot et, parfois, pour lui donner un regain de sens, on nous dit qu’il s’agit d’une barre " hautement symbolique ". Ce qui est l’aveu qu’il n’y a rien au mieux que du phantasme, mais en général que du verbiage dans ce niveau de barre atteint. Les gouvernements (et pas seulement celui de Raymond Barre) ont successivement mis la barre à droite ou à gauche et les journaux ont surveillé pour nous quelles barres étaient franchies par dessus ou par dessous.

Est-il utile vraiment qu’ils usent de ces métaphores ? Mais, qu’ils me pardonnent de les rembarrer : à souhaiter qu’ils ne le fassent pas, peut-être leur mettons-nous la barre un peu haut ?

Version PDF de la Lettre blanche 27

 
Pénombre, Octobre 2001