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Editorial

Sois attentif à l’aube de la vérité qui blanchit
Augustin, Les Aveux, Livre XI, 34


FIN D’UN LONG SOMMEIL, seulement troublé par le cauchemar d’un numéro manquant… Retour à la vie quotidienne des chiffres.

Chiffres du jour qui n’étonnent plus, chiffres d’un instant, d’une petite polémique avec le ministère de l’Intérieur sur les voitures brûlées, chiffres d’une grosse affaire sanitaire dont on entendra forcément parler encore…

Milliards d’euros dont nous ne pouvons toujours pas nous représenter la grandeur dans les désastres financiers qui continuent d’arriver ; dixièmes de points de croissance de mieux que prévu ou de moins qu’annoncé qui se démultiplient en regains et chutes en bourse. Qu’est-ce à côté de quinze centimètres de neige bloquant l’agglomération parisienne en quelques minutes…

Religion du chiffre dont la dénonciation en haut lieu aura fait long feu, consommation toujours abusive de sondages d’opinion, l’état de santé du nombre dans le débat public reste inquiétant.

Mais il y a du nouveau. Les abus les plus flagrants ne restent pas sans réaction, au moins sur l’Internet. Nous n’avons jamais été très rapides à Pénombre pour relever ce qui doit l’être dans le feu de l’actualité. Ce n’est pas non plus notre but. Et finalement, en attendant un peu, on trouvera toujours un blog dont l’auteur aura pris le temps d’aller voir de quoi il retourne, de protester là où il y a manipulation, de s’indigner là où il y a mépris des lecteurs ou des électeurs.

Les nombres sont bien de plus en plus présents dans le débat public et les acteurs du débat public s’en préoccupent de plus en plus, d’une façon ou d’une autre. Ne surestimons pas la part prise par Pénombre dans cette évolution, mais en pratique, ce nom dit quelque chose à beaucoup de gens et le temps est passé où nous avions besoin de nous rassurer en nous comptant. Pénombre existe bien.

Devons-nous de ce fait nous faire à l’idée que les nombres soient de plus en plus soumis à de mauvais traitements alors même que cela devient d’une certaine façon de plus en plus visible et suscite ainsi toujours plus de méfiance à l’égard du chiffre ?

La loi de Pescheur qui relie le pouvoir de persuasion des nombres à leur vitesse de circulation entraînerait la diminution de ce pouvoir avec la croissance du nombre d’individus concernés (Lettre blanche n°49). Mais l’équation lui assigne une valeur positive. Risquons-nous d’entrer dans une zone où ce pouvoir de persuasion deviendrait négatif ? Comme d’aucuns le pensent depuis un certain temps, l’avenir serait bien sombre pour les producteurs de nombres et la statistique publique.

Debout, Pénombre, réveille-toi !

Version PDF de la Lettre blanche 54

 
Pénombre, Janvier 2011